Télé, Bonheur et Internet

Kill your television

Il y a déjà cet extrait de l’ouvrage de Al Gore qui, chiffre à l’appui, prouve combien la télévision en anesthésiant l’esprit critique est une plaie de la démocratie.

American democracy is now in danger—not from any one set of ideas, but from unprecedented changes in the environment within which ideas either live and spread, or wither and die. I do not mean the physical environment; I mean what is called the public sphere, or the marketplace of ideas.(…)

In practice, what television’s dominance has come to mean is that the inherent value of political propositions put forward by candidates is now largely irrelevant compared with the image-based ad campaigns they use to shape the perceptions of voters.(…)

Il confie aussi son espoir en internet pour revigorer l’esprit démocratique de son pays.

Now, broadband interconnection is supporting decentralized processes that reinvigorate democracy. We can see it happening before our eyes: As a society, we are getting smarter. Networked democracy is taking hold. You can feel it. We the people—as Lincoln put it, “even we here”—are collectively still the key to the survival of America’s democracy.

Voici que Stéphanie Booth, dans le cadre de son rapport bordélique mais passionnant de la conférence Reboot, apporte quelques preuves tangibles que cette dernière est un obstacle au bonheur :

Biggest threats to happiness:

* TV
* consumerism

These are links, because TV drives a lot of the consumerism. Introduction of TV in Bhutan in the 90s. Life satisfaction fell, suicide and depression rates climbed, clothing changed to what teenagers wear in the US.

Cette relation entre l’apparition de la télé et sentiment de mal-être envahissant le Bhutan est particulièrement saisissant.

Le bonheur et la nausée

Toutefois il me semble intéressant d’essayer d’identifier ce qui nous barre le chemin du bonheur dans ce que la télévision nous renvoie :

1 – La représentation d’un bonheur idéal, représentation forcément source de frustration car celui-ci est par nature inatteignable , frustration alimentant ensuite la consommation mais c’est là un autre débat. Et ce bonheur est omniprésent jusqu’à la nausée : dans les publicités d’une marque de produits laitiers, sur les illustrations des produits d’une chaine d’hypermarchés, ou dans les chansons de Cali. Une solution fastoche ici : lui préférer la joie, tangible et palpable comme le préconise le formidable Alexandre Jollien.

2 – Lorsqu’on est devant la télé, on n’est pas avec les gens. Et ce sentiment de manque et de vide est vécu comme une souffrance larvée et inavouée.

Le surhumain connecté

Il me semble toutefois que ces deux problèmes sont tout à fait applicables aux nouvelles technologies de l’information.

L’avalanche de services en ligne ou d’outils de communication peuvent donner cette image de surhumain connecté comme seule possibilité d’épanouissement en nos temps numériques. Et celui qui n’accède pas a ce statut par manque de temps, de connaissances ou d’équipement peut ressentir cette frustration.

Par ailleurs, ces techniques de communication donnent un “sentiment” de connexion, mais au final ce n’est pas de la communication véritable comme le rappelle Kathy Sierra dans son excellent post sur Twitter :

“The strong “feeling of connectedness” Twitterers get can trick the brain into thinking its having a meaningful social interaction, while another (ancient) part of the brain “knows” something crucial to human survival is missing.”

Je ne dis pas qu’internet et les nouveaux media seront une même source de malheur que ne l’est la Télé, mais créant le même type d’addiction ne peut-on se poser la question ?

3 Comments

  1. Passionant!
    En gros, tout ça est très bouddhiste. La représentation du bonheur à la télévision est aux antipodes de la définition bouddhiste du bonheur. Et que dire des antivaleurs véhiculées par la pub (c’est trop bon pour être partagé, je me sens bien quand les autres sont envieux,…)

  2. J’imagine que ces anti-valeurs sont justement un antidote, une sorte de contre-pied à cette représentation niaise, omniprésente et insupportable du bonheur.

    Bien qu’elle soient représentées comme un clin d’oeil complice avec l’auditeur (regarde comme je joue perso, allez c’est bon de se laisser aller à de l’égoïsme pas vrai ?) il semble en effet que le remède soit encore pire que le mal qu’il combat, je suis tout à fait d’accord avec toit Philippe.

    D’ailleurs, la relation qu’établit la pub télé avec ses auditeurs est aussi un sujet passionnant. Il me semble que la seule perspective éthique d’une publicité non aliénante est l’humour détaché et absurde.

    La pub de la Mégane l’équipe est un bel exemple, suffisament rare dans nos pubs, en particulier les pubs de voiture pour être souligné : cela fait rire car c’est absurde et complètement inattendu : on ne rit pas de soi ou de quelqu’un d’autre, on ne rit pas avec quelqu’un contre quelqu’un d’autre, on rit d’un rire franc car délesté de toute connotation egocentrique ou sociologique. C’est bien.

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