Un film intriguant où Nicole Garcia dépeint la faiblesse d’hommes démunis face à leur destin et aux contingences. Ambitieux, presque réussi et obsédant.
Une oeuvre polyphonique mettant en scène des personnages différents mais dont les trajectoires sont identiquement fuyantes, trajectoires comme des oscillations entrant toutes en résonance, en un même point spatio-temporel : un colloque scientifique dans une ville moyenne au bord de l’océan (Caen ?).
On croise ainsi un homme politique désabusé et seul malgré son entourage bourdonnant (JP Bacri, maire comme un roi déchu dans son royaume vide – la maison du bord de mer), un scientifique renommé et arrogant (P. Pineau), un qui a décroché pour rentrer dans le rang et l’éducation nationale (B. Magimel), un malfrat foireux (B. Poelvoorde), un père de famille forcément adultère (V. Lindon), son enfant de 11 ans (le Charlie du titre) et un jeune champion de tennis las d’être parfait et se rebellant contre son encadrement.
Le colloque des hommes démunis
Les histoires qui s’entrecroisent n’ont pas l’intensité dramatique d’un Altman (l’immense Short Cuts) car ce n’est pas là ce qui intéresse Nicole Garcia. Il s’agit d’une mise en scène sensuelle où on traque les fêlures des personnages pour les faire résonner d’un écho particulier avec des bruits et ambiances naturels (le feulement des branchages à la fenêtre dans la belle scène de retrouvailles entre le scientifique et sa mère, le vent océanique dans les scènes au bord de mer).
La suprême élégance narrative du film prend corps lors des points de rencontres des personnages. Rencontres furtives et incongrues (la phénoménale scène entre Bacri et Poelvoorde), comme des satellites aux courses folles s’effleureraient pour ensuite reprendre un orbite tranquille. Tous les personnages entrent en effet dans le rang après leurs mésaventures respectives.
Implacable tendresse
Bien qu’implacable avec ces scènes tirées au cordeau, sans le moindre espace pour la complaisance ou le pathos exacerbé, l’oeil de Nicole Garcia demeure empreint d’une tendresse, glacée certes, à l’endroit de ces hommes ballotés par leur désir et leur incompréhension face aux évènements qu’ils subissent.
Cette tendresse prend la forme de gros plans sur ces visages d’hommes et leur proximité ambigüe : le champion se tennis de retour de son escapade le visage en sang soigné par son sparring partner, le prof annonçant à son ami scientifique qu’il part avec lui.
Cette tendresse est surtout incarnée par Charlie, ingénu et pourtant accablé par le poids de la culpabilité du père que ce dernier lui impose, culpabilité illustrée par ce très beau plan où l’on voit le fils flou au premier plan et le père dénudé se rhabillant au second.
Fortement recommandé.