Agile Tour Bordeaux 2011 : Anti-Patterns, Billes Rouges et Fin du Logiciel


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L’Agile Tour s’est arrêté cette année encore les locaux de l’ENSERB à Bordeaux pour une journée dédiée à l’agilité dans le monde du développement logiciel aquitain.

Des présentations pour l’évangélisation et des perspectives éclairantes, des workshops pour partager et avoir un autre regard sur son travail quotidien, des Coding Dojos et des Katas parce que l’agilité c’est de la pratique. La panoplie complète des sessions de travail qui font de l’agilité cette alternative plus que crédible au développement planifié et contrôlé qui reste majoritaire dans notre industrie. Aussi : une occasion de rencontrer la communauté Agile Bordelaise, communauté active, enthousiaste et passionnée à l’image du crew Arpinum.

Attardons nous sur les 4 sessions les plus éclairantes auxquelles j’ai eu la chance d’assister…

La fin du génie Logiciel

Sans conteste, la présentation la plus limpide a été celle de Laurent Bossavit (@morendil), directeur de l’institut Agile sur l’histoire du génie logiciel. Une connaissance encyclopédique  du sujet et  surtout, une perspective radicale et audacieuse.

Selon le speaker, depuis sa naissance en 1968 durant des conférences de l’OTAN, le terme “génie logiciel” a toujours été étroitement corrélé avec des notions de crise, crises dues à l’incapacité chronique des équipes de livrer des projets en temps et budget. Le Tree Swing Picture qui illustre ce billet date ainsi de 1970.

L’exemple le plus spectaculaire évoqué par Laurent est cette citation de Tom de Marco (auteur du  best-seller Controlling Software projects) :

Software Engineering as we managed it (i.e controlled, planned …) is an idea that come and gone.

Pour autant, bien qu’intimement convaincu par l’approche artisanale (Software Craftmanship) prônée par les méthodes Agiles Bossavit rappelle que celles-ci doivent continuer à travailler sans relâche pour proposer une alternative crédible et convaincante.

Une perspective décrite dans ce remarquable article [EN] publié sur Infoq, Agile Ten Years On.

Les petites billes rouges

Excellent workshop organisé par Alexis Monville avec pour objectif d’introduire les 14 principes clefs du Management selon Walter Edwards Deming. Ces principes qui ne datent pas d’hier et qui ont inspiré le Toyota Production System, pour le résultat que l’on connait.

Une mise en situation amusante (l’expérience de billes rouges, créée par Deming), portée par le panache du présentateur et jetant une lumière crue sur l’absurdité des organisations fortement hiérarchisée telles que nous les connaissons pour résoudre les problèmes de qualité. La mise en situation terminée, chacun des points a été évoqué et a provoqué de nombreuses conversations et réflexions parmi l’auditoire.

Un TP proposant une excellente réflexion collaborative sur le management .

Core Protocols

Une présentation (dispo sur slideshare) de Christophe Thibaut de Octo Technology sur la dynamique des équipes informatiques. Plutôt que de partir sur une approche idéologique des Core Protocols de Jim McCarty (éminemment ancrés dans la culture Octo), Christophe démarre par la présentation du problème qu’ils cherchent à résoudre, à savoir les anti-patterns comportementaux d’équipe. Un panel hilarant car tellement juste et finement observé. 6 équipes types

  • les Real-programmers : les vrais, les durs qui lisent les core dumps. L’incarnation de la geeks brutal meritocracy dont parle Clay Shirky
  • Les Nez-dans-le-guidon : toujours en retard, pas de temps pour prendre du recul et réfléchir aux causes de l’urgence permanente
  • L’équipe du terrain vague : l’équipe dans laquelle chacun fait un peu comme il veut : pas de normalisation au niveau des méthodes etc …
  • Les Spécialistes : des pros qui collaborent peu et ont peu tendance à se remettre en cause
  • Les super-héros qui travaillent 60 heures par semaine, résolvent tous les problèmes, sont des SPOF et font culpabiliser tout le monde
  • Le maillon faible : l’élément pris en grippe par les spécialistes / super-héros pour une ambiance délétère
  • L’équipe feu de camp : l’évitement du conflit est plus important que la résolution des problèmes. Instauration d’une culture Nous Contre Eux.

De la même manière qu’il existe des Design Patterns dans la conception logicielle, les Core Protocols sont des patterns de communication ayant pour objectif d’entretenir une collaboration saine et créer une dynamique productive au sein de l’équipe. Il s’agit de changements culturels importants pour l’équipe et la stratégie de mise en œuvre est une stratégie d’ici et maintenant en commençant soi-même.

Notons tout de même que ces protocoles sont mis en œuvre chez Octo et que cette dernière a terminé première dans le classement Great Places to Work 2011 . A sérieusement considérer donc.

Anti-patterns Lean

Une présentation de Gilbert Liégeois, ancien directeur du Lean Institute Français. Ceux (dont je suis) qui seront, au prix d’efforts considérables, parvenus à passer outre les animations ringardes dans le support de présentation et les blagues misogynes à 2 balles, ne l’auront pas regretté : un contenu de très grande qualité par une éminence française du sujet.

Selon Gilbert, le Lean ne peut réussir sans but, opiniâtreté, standard, sans qualité comme objectif, sans culture de la résolution de problème et sans vision. Des citations pour étayer ces assertions :

But : « Pourquoi faire du Lean ? Pour gagner de l’argent » (Etre encore plus compétitif, continuer l’activité et continuer à garantir de l’emploi – pourrions nous rajouter pour citer WE Deming).

Opiniâtreté : « Pour mettre en place le lean il faut de la constance : pas une journée sans un pas en avant, il n’y a pas de recette magique. La difficulté n’est pas d’entamer un parcours lean mais de le poursuivre. »

Standards : « PDCA c’est Plan Do Check Act et pas Please Dont Change Anything. Les standards ne valent s’ils sont en perpétuelle amélioration. »

Qualité de produit : « Toyota a commencé à rencontrer des problèmes lorsque son objectif est passé de Qualité maximale et amélioration continue à rester # 1 mondial. Ce second objectif a amené l’entreprise à une logique de réduction des coûts. La direction a été remerciée et remplacée par une autre qui applique la stratégie historique de l’entreprise pour renouer avec sa place de leader».  On pourra noter que Steve Jobs a exactement la même analyse de l’échec d’Apple après son départ dans les années 80.

Vision et état d’esprit : “Le lean est une méthode de management. le changement de culture passe par la pratique, l’envie et la sortie du Taylorisme. IL est indispensable de déployer la pensée Lean pour arriver à de bons résultats. Avec un Manager responsable de mise en oeuvre. Une des clefs est de passer d’une grille de valeur basée sur la moyenne à une grille basée sur la variabilité (qui coute !)”

Résolution de problème. “Attention à ne pas confondre traiter le problème (réduire la variation) et résoudre le problème (s’assurer que la variation n’apparait plus). Attention à ne pas confondre un problème structurel (i.e une variation / référence) et une difficulté conjoncturelle. Le rôle des managers est de coacher les équipes pour développer l’amélioration continue à travers une réflexion perpétuelle sur la qualité de ce que l’on fait et l’analyse des causes profondes des problèmes rencontrés.”

Une excellente édition donc, avec le regret d’avoir manqué les sessions de Marku Kuttvonen de F-Secure et de Alexandre Boutin sur les échecs de Scrum, sessions dont les retours ont été nombreux et élogieux (cf Makina-Corpus pour le second) .

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