Une lecture et une question essentielle en ces temps d’économie troublée. Un remarquable ouvrage de la part d’André Comte Sponville, authentique philosophe matérialiste.
La clef de vôute de cet ouvrage est déjà traitée dans wikipédia donc je cut+paste parce que ça fait gagner du temps :
Dans Le capitalisme est-il moral ?, qui est en fait la transcription d’une conférence, il tente de démontrer l’amoralité du capitalisme (ni moral ni immoral) en ce qu’en tant que technique (comme la météorologie, la physique…), l’économie est extérieure à toute préoccupation morale. Comte-Sponville en vient alors à définir quatre ordres, au sens pascalien du terme :
- l’ordre technico-[économico]-scientifique,
- l’ordre politico-juridique,
- l’ordre de la morale,
- l’ordre de l’éthique, de l’amour.
(…) Chaque ordre aurait sa cohérence propre sans pour autant fonctionner en autarcie. Il faudrait alors les distinguer tout en comprenant leur nécessité absolue de complémentarité. Ainsi le capitalisme, l’économie de marché, appartenant à l’ordre n° 1, ne saurait se préoccuper de morale, l’ordre n° 3. Toutefois, chaque ordre est directement limité par l’ordre supérieur : le droit du commerce (limitation de l’économie par le « juridico-politique »), la déontologie politique (limitation du politique par la morale) etc. Il souligne deux dangers : la barbarie, qui veut soumettre les ordres supérieurs aux ordres inférieurs, et l’angélisme, qui prétend annuler les ordres inférieurs au nom des ordres supérieurs. Cela débouche sur un appel à la responsabilité individuelle : ne comptons pas sur le marché pour être moral à notre place, ni sur la morale pour tenir lieu de politique !
Le Bien et le Vrai
Une lecture lucide et intéressante en ce qu’elle dépassionne ce débat, démarche salutaire dans une culture.fr ultra-politique. Il y a ainsi chez Comte-Sponville un effort permanent pour distinguer ce qui est bien de ce qui est vrai, l’ordre pratique (les valeurs) de l’ordre théorique (la connaissance), la connaissance du vouloir, la réalité du désir. Effort qu’il me semble avoir lu aussi chez Alain, philosophe auquel Comte Sponville se réfère à plusieurs reprises dans cet ouvrage.
Un auteur que les Besancenotistes vitupérant auront vite fait de disqualifier (né dans le XVième, ami de Luc Ferry, philosophe matérialiste) mais que les amateurs de la raison claire, genre des chics types de centre gauche comme moi, trouvent particulièrement enrichissant.
Stratification.fr
Reste qu’on a le droit de trouver dans cette stratification hiérarchique Pascalienne l’origine, ou tout au moins un écho, de la singulière et sclérosante stratification culturelle de notre société, avec, tout en bas, ce qui relève de la technique et de l’économie (le vulgaire) et tout en haut ce qui relève de l’éthique et de la morale (le beau).
Pour ma part j’aurais distingué les ordres techniques et économiques (c’est le second qui décide de ce qui a une raison d’être économique parmi la multitude de chemins que peut emprunter le premier) mais ce n’est pas très important.
La balise du salaud légaliste
Le passage sur la morale (l’ordre 3) est le plus intéressant dans sa distinction d’une part entre la morale (ce que je fais par devoir) et l’éthique (ce que je fais par passion) et, d’autre part, entre la morale (les devoirs que l’on s’impose à soi) et les moralisateurs (les devoirs que l’on impose aux autres). Et aussi dans la stigmatisation féroce du salaud légaliste, celui qui n’enfreint jamais la loi mais qui agit sans aucune morale. Une balise qui me semble salutaire pour jauger la valeur morale de mon propre comportement.
Une saine lecture indeed.
#hypertextual 
Bravo pour votre note. Je vous signale que j’ai écrit un livre sur André Comte-Sponville : Etre moderne, introduction à la pensée d’André Comte-Sponville. Je consacre tout un chapitre à cette théorie des quatre ordres. Si vous m’indiquez votre adresse, je vous l’envoie.
Bonjour,
Merci beaucoup pour ce commentaire. Je vous ferai parvenir mon adresse.
Je suis passé sur votre blog et je vous blogrolle de ce click !