Anthony Poncier : les Réseaux Sociaux d’Entreprise en 101+9 Questions

Anthony Poncier et une des plus grandes références hexagonales dans le monde des Réseaux Sociaux d’Entreprise. Il est non seulement un leader d’opinion à travers son blog incontournable (classé à ce titre parmi les Enterprise 2.0 All Stars), mais aussi un acteur infatigable de la cause dans le monde francophone.

Directeur Consultant en Management et Entreprise 2.0 chez Lecko, curator infatiguable pour toute la communauté (“Qui a besoin de veille lorsqu’il suffit de suivre le compte Twitter d’Anthony Poncier – Thierry de Baillon), évangéliste de la première heure (c’est lui qui a porté de main de maître le projet du livre blanc Entreprise 2.0) Anthony est aussi, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, l’auteur d’un ouvrage sur le sujet chez Diateino : Les Réseaux Sociaux d’Entreprise en 101 questions.

Un ouvrage précis et pratique à mettre entre les mains de tous les chefs de projet de mise en oeuvre d’outils collaboratifs au sein d’organisations. L’expertise d’Anthony y est concentrée en 101 réponses pragmatiques, alignées sur un objectif : sensibiliser aux particularités des projets de mise en oeuvre d’outils collaboratifs pour rendre visible les écueils à éviter et faire émerger un certain nombre de bonnes pratiques permettant de mener ces projets à bon port.

Anthony a accepté de venir discuter de ce livre pédagogique avec #hypertextual : c’est ici et maintenant et c’est en 9 questions :

1. Bonjour Anthony et merci d’accepter de répondre aux questions d’hypertextual. Quel parcours as-tu suivi pour travailler sur le sujet des Réseaux Sociaux d’Entreprise et de l’Entreprise 2.0 ?

J’ai travaillé notamment avec des ONG sur ces questions de lien social, de community management pour au final rejoindre un cabinet en organisation et management et maintenant Lecko. Donc, pas grand chose à voir avec les SI dans mon parcours.

2. Dans ton livre, tu insistes beaucoup sur la dimension accompagnement du changement. On a l’impression qu’avec ces RSEs le changement culturel est plus prononcé qu’avec les systèmes traditionnels du SI (ERP, CRM etc …). Comment l’expliques-tu ?

Les interactions avec ce type d’outils sont plus nombreuses, plus personnelles. Les personnes donnent des informations sur elles à travers des profils enrichis (voir une photo), discutent, échangent au vu de tous. Si je grossis le trait, la part de l’intime est plus importante et pourtant on est dans le monde de l’entreprise. Donc entre les conversations, faire don notamment de ses connaissances/expertises, le tout associé à des flux business plus traditionnels, présente un petit côté schizophrène. A l’origine on était sur information = pouvoir (on devrait même dire rétention d’information = pouvoir). Là on part sur un postulat radicalement différent. Surtout que si les individus doivent changer leur comportement, quelque part l’entreprise le doit aussi. D’où cette dimension de changement fondamentae, même si elle même doit aussi évoluer.

3. Quelles sont les erreurs les plus fréquentes que tu as observées lors des projets de mise en oeuvre de RSE ?

Pendant longtemps, les entreprises ont pensé qu’avec la mise en place d’un RSE les gens allaient “automatiquement” travailler de manière collaborative. Elles commencent à comprendre que l’outil n’est pas tout, loin de là, et qu’un accompagnement est nécessaire pour que les collaborateurs se saisissent de l’outil et des opportunités de collaboration qui en découlent. Il reste aux organisations à accepter que c’est un projet de transformation, qu’elles doivent aller plus loin que la simple acceptation de l’outil, et remettre en cause un certain nombres de processus pour lesquels une évolution culturelle sera nécessaire.

4. Dans ton ouvrage tu identifies les limites de l’organisation pyramidale telle que définie par Mintzberg. Comment les RSEs peuvent-ils surmonter ces limites et pour quel résultat ?

Si les entreprises commencent à se repenser différemment, c’est bien qu’il  y a eu un catayseur. Que ce soit Mintzberg ou Drucker, la vision de l’entreprise traditionnelle est battue en brèche depuis longtemps. Donc ces outils ont joué ce rôle et ont facilité la fluidification des flux d’informations de par leur structure et la philosophie en découlant. Je peux plus facilement casser les silos ou dépasser les limites hiérarchiques pour atteindre les personnes que je souhaite dans l’entreprise. Après, ce ne sont pas les résultats de l’outil que je mesure, mais bien les impacts qu’ils ont sur les processus business. Les exemples sont nombreux, mais dernièrement j’ai rencontré des gens de Cisco qui ont donné un simple chiffre : leur solution interne de RSE fait gagner à chaque collaborateur 15 minutes en moyenne et économiser 24 millions de dollars par an sur ce seul gain de temps.

5. Lors du dernier Enterprise 2.0 Summit de Paris, Yves Caseau a parlé de changement de paradigme avec l’avènement de ces outils … S’agit-il selon toi d’outils révolutionnaires ou plutôt d’une innovation incrémentale dans l’organisation des entreprises ?

Je suis sûr qu’il ne s’agit pas d’outils révolutionnaires, même si comme je l’ai dit, ils servent de catalyseur et participent pleinement à cette évolution/transformation. Mais je ne suis pas certain qu’il s’agisse non plus uniquement d’innovation incrémentale. Si en effet on retrouve cette idée d’amélioration continue, base du Kaizen japonais, je crois que les temps on changé. On est plus sur de l’innovation de rupture car dans un cycle de progrès discontinu comme le caractérise Gary Hamel. Il oppose l’innovation de rupture à l’innovation incrémentale, expliquant que cette dernière c’est développée dans un contexte linéaire et stable. Or on est de moins en moins dans un contexte de stabilité et donc de linéarité. La globalisation conduisant à une accélération de l’économie exige des entreprises des efforts d’innovation constants et fréquents, afin de produire un avantage concurrentiel. D’où ce besoin d’innovation de rupture. Même si cela ne s’oppose pas totalement à l’innovation incrémentale. Mais elle n’est plus suffisante.

6. Dans ton livre tu identifies 5 défis à relever : organisationnel, managérial, communautaire, personnel et technique. Dans quel ordre recommandes-tu de traiter ces cinq points ? Quelle stratégie employer pour les relever ?

Je ne suis pas sûr que l’on soit dans un processus séquentiel. Bien souvent les entreprises commencent par la partie technique, car c’est peut-être celle qui semble “la plus simple”. Pourquoi pas. Je crois que la plus importante est celle concernant le management car c’est elle qui va ensuite irriguer celles concernant le communautaire et personnel. En plus, je crois que les organisations reposent sur les individus et que donc le management est primordial. Donc la partie managériale est à mener au plus tôt, car c’est aussi la plus longue, qui impactera ensuite les autres, y compris au final l’organisationnelle. Même si sur le moyen terme, si l’organisationnel n’évolue pas, je crois que la dynamique s’effondrera ou ralentira fortement.

7. Dans le livre, tu prônes le lâcher prise et l’acceptation de la perte de contrôle aux managers … Comment parvient-on à complètement inverser le logiciel d’un management qui a été formé autour de cette importance du contrôle ?

Je pense que le sponsor a dans ce cadre un rôle primordial, d’une part par l’exemple, d’autre part pour inciter ses équipes à aller dans cette direction. Pendant longtemps une bonne partie de ces managers ont existé à travers le contrôle. Il ne s’agit donc pas de les laisser au bord de la route, mais bien de leur montrer les avantages dans ce nouveau rôle et, surtout, de les faire participer au plus tôt à ce projet. Comme disait Confucius : “Dis-moi et j’oublierai, montre-moi et je me rappellerai peut-être, associe-moi et je comprendrai !” La remise en question des anciens mode de management n’est pas une remise en question des managers eux-mêmes, il est juste naturel que si ces modes doivent évoluer, leur rôle aussi.

8. Le livre donne d’excellents conseils la mise en place de RSEs pour favoriser l’innovation. As-tu des retours d’expérience instructifs sur ce point particulier ?

Plutôt que donner ici des exemples assez courts et du coup pas forcément illustratifs (tout de même un petit chiffre, il y a deux ans, la SCNF a économisé 82 millions d’euro grâce à l’innovation participative interne), je préfère vous renvoyer à une présentation (en anglais) de Jean-Yves Huwart qu’il a faite lors de notre session commune sur l’open innovation au dernier E2.0 summit : http://www.entrepriseglobale.biz/2012/02/11/lopen-innovation-a-lere-de-lentreprise-2-0

9. Lors du dernier Enterprise 2.0 Summit, Luis Suarez a tweeté que les best practices étaient inutiles pour la mise en oeuvre de RSEs car les organisations etaient toutes différentes. Partages-tu ce point de vue ? Comment peut-on alors capitaliser sur les expériences passées dans ce domaine ? 

Mon ami Luis, qui est une référence en ce domaine, a parfois un côté provocateur, visant à grossir le trait. Cette remarque mériterait un papier à elle toute seule. Elle renvoie à une des keynotes de fin de la première journée, qui allait en partie dans ce sens, renvoyant au concept de “thinking outside the box“. Selon cette approche, l’idée de best practises nous confine vers des sentiers connus et nous empêche d’être innovant dans nos approches et de designer notre démarche au regard de la culture des organisations. Donc l’idée de best practices peut-être en effet challengée, mais celle de bonnes pratiques qui est légèrement différente peut être avancée. Dans un projet de mise en eouvre de RSEs, on ne peut pas appliquer une méthodologie “sur étagère” à laquelle renvoie les best pratices. Ceci étant dit, une connaissance de ce type de sujet, permet une sensibilité et un pragmatisme plus important. Comme j’en parlais plus haut, la recherche d’un sponsor si ce n’est pas une best practice au sens fort du terme, c’est tout de même un point de passage, si ce n’est obligé, pour le moins fortement conseillé. Je crois, mais seul Luis à la réponse, que sa remarque fait en partie écho au billet sur mon blog que j’avais publié il y a quelques mois et qui allait un peu dans ce sens : Vers l’Entreprise 2.0 : un jardin plutôt qu’une autoroute (http://poncier.org/blog/?p=3764).

Merci Anthony. Bonne chance pour le livre et à bientôt ! Profitons de cet entretien pour saluer la démarche éditoriale de Diateino qui, en marge de la parution d’auteurs francophones, fait un remarquable travail de diffusion en français de la pensée des business thinkers anglo saxons tels que Seth Godin, Hugh McLeod, Guy Kawasaki ou Tara Hunt.


4 Comments

  1. Bonjour Dominique, merci de votre message. Excellente initiative que cette série d’ouvrages en 101 questions.

    Jon > Bonjour mon ami. Hey, shouldn’t you be around here as well with a set of answers on the topic ?

  2. Hey, shouldn’t you be around here as well with a set of answers on the topic ?

    Yes. Merci pour le coup de pied dans le postérieur 😉 Bientôt.

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