Pourquoi nous les danseurs nous plions nous à un travail si répétitif ? Pourquoi nous entraînons nous inlassablement à effectuer les mêmes pas, les mêmes gestes ? C’est pour assimiler dans le corps ces mouvements et libérer la tension de notre cerveau. La danse est un art vivant. En réalité, la discipline, la répétition sont entièrement au service de la liberté. Quand vous avez incorporé de nombreux automatismes, vous pouvez vous détacher de la performance à accomplir, ne plus vous préoccuper de la difficulté de tel ou tel pas, mais concentrer toute votre attention et votre énergie sur l’élément créatif, l’imprévu, le geste qui suscitera une émotion chez le spectateur. On travaille longtemps pour aménager en soi-même une ouverture par laquelle l’instinct et l’imprévu s’exprimeront. C’est par là que le merveilleux arrive.
Comme très souvent sur #hypertextual, la citation de cette semaine est issue de Philosophie Magazine, le numéro 119, consacré à une thématique qui résonne particulièrement avec ce blog : “Culte de la perfection : jusqu’où aller pour s’améliorer ?”. (Un numéro particulièrement recommandé avec, en outre, un très bel entretien avec Nassim Nicholas Taleb).
Dans le cadre de cette réflexion le magazine propose un entretien entre le philosophe Charles Pépin et la danseuse étoile Ludmila Pagliero.
Une citation particulièrement éclairante en ce qu’elle rappelle le lien contre-intuitif entre la discipline, la pratique, la rigueur d’une part, et la créativité de l’autre.
Si je ramène cela dans le contexte de la vie professionnelle, cela m’évoque immanquablement les contre-arguments que l’on nous oppose lorsque l’on parle des standards (la meilleure façon connue à ce jour par l’équipe pour effectuer une action) : “Ne pensez-vous pas que cela va brider la créativité de l’équipe ?” Ludmila Pagliero propose ici une éclatante réponse.
Merci encore Cyril pour ses ponts éclairants avec la pensée philosophique. Cet article sur la danse évoque pour moi ce que je vis avec la pratique du Qi Gong et qui s’applique avec tous les arts martiaux, l’art de la répétition. En Qi Gong en particulier un mouvement tout simple peut être répété des centaines de fois, une vie entière pour les vieux chinois, et c’est chaque fois nouveau, le corps n’est pas le même ce jour là, le contexte est différent, la qualité de l’attention que l’on porte dans le mouvement. Dans ses pratiques ce qui donne cette nouveauté c’est l’attention (awareness et focus) Elle donne cette richesse renouvellée à un geste tellement connu. Comment avoir cette qualité de présence dans l’application de nos standards professionnels ? Comment être attentif au subtil, au fil, aux détails, goûter le nouveau généré chaque geste répétée? c’est un des défi…