Je me posais cette question en lisant le remarquable Here Comes Everybody de Clay Shirky : où en sont nos intellectuels sur le sujet des réseaux sociaux ?
Quelle réflexions, recherches et pensées sont produites par nos sociologues, économistes, philosophes, politologues, éditorialistes pour donner du sens aux remarquables mutations de la société que l’avènement du web collaboratif et des réseaux sociaux provoquent ? Et, au delà, quelle est la portée de cette réflexion dans le monde connecté ?
Talk about the revolution
Parce qu’elles transforment radicalement ce qui touche à notre travail, à la culture, aux médias, à la connaissance, aux métiers créatifs, ces technologies sont jugées révolutionnaires par des auteurs passionnants aux quatre coins du monde : où sont les nôtres ?
Où sont nos Clay Shirky, Jamie Surowiecki, Chris Anderson, David Weineberger, Christopher Locke, Alexander Bard, Andrew McAfee, danah boyd ? Pour ces essayistes mondialement reconnus, le caractère révolutionnaire d’outils permettant pour la première fois de la diffusion de masse Many to Many ne fait aucun doute : il est comparé à ceux de l’imprimerie, du téléphone ou des outils de diffusion de masse (radio, télévision) …
Si les intellectuels français ont tenu le haut du pavé de la pensée de la seconde moitié du 20ème siècle et des révolutions sociales qui l’ont traversé, pourquoi sont-il inaudibles au sujet d’internet, “symbole le plus puissant du changement social de ces dix dernières années” selon Gérard Grunberg (Sortir du pessimisme social) ?
Pour un Grunberg, un Michel Serres (qui s’enthousiasme pour l’innovation ou Wikipedia) ou un Lipovetsky (L’invention de la pilule ou d’internet a plus bouleversé nos modes de vie et fait plus changer le monde que les antiennes trostkystes) qui reconnaissent l’apport d’internet, combien de Dominique Wolton, Paul Virilio ou de Alain Gérard Slama ?
Il ne s’agit pas d’idéaliser la technologie et de l’exempter de tout défaut mais de comprendre l’absence de pensée rationnelle sur le sujet en France.
Petit état des lieux. Sans même avoir à solliciter Finkielkraut, on obtient un triste bilan. …
Catastrophisme
Un des intellectuels français les plus influents sur le sujet d’internet et des technologies est Paul Virilio. Il a baptisé son ouvrage sur le sujet Cybermonde, la politique du pire et parle en toute simplicité de la “propagande faite autour d’internet” comparant les média à “l’occupation” et son activité à celle d’un “résistant“.
Le rapport de Virilio à la technologie et au progrès est principalement basé sur la notion d’accident : Ce qui est venu avec l’engin rapide ce ne sont même plus les hasards du voyage, c’est la surprise de l’accident (Esthétique de la disparition). Notion que l’on retrouve dans son analyse très subtile d’internet dans Cybermonde :
Les nouvelles technologies véhiculent un certain type d’accident et un accident qui n’est plus local et précisément situé comme le naufrage du Titanic ou le déraillement d’un train, mais un accident général, un accident qui intéresse immédiatement la totalité du monde. Quand on nous dit que le réseau internet à une vocation mondialiste, c’est bien évident. Mais l’accident d’internet ou l’accident d’autres technologies de même nature est aussi l’émergence d’un accident total pour ne pas dire intégral.
Cet extrait figure dans l’Anti-manuel de philosophie de Michel Onfray (excellent guide au demeurant si vous souhaitez préparer le bac de philo : pédagogue et pratique) : il ne s’agit pas d’une voix isolée dans le paysage philosophique français.
Nous ne sommes pas ici dans de la pensée mais dans de la croyance, de l’idéologie. A l’absurde et dangereux fétichisme technologique du techno-utopianism d’un Georges Gilder, Virilio répond par une diabolisation. Il va falloir être pédagogue pour expliquer en quoi cette position n’est pas symétriquement absurde et dangereuse.
En se présentant en résistant, Virilio évoque plus la résistance au changement et déni du réel que de valeureux défenseurs de la patrie.
Spéculation intellectuelle
Ce qui gêne beaucoup à l’extérieur de nos frontières c’est ce ton péremptoire, cette certitude d’une annexion de la toile par “le grand méchant marché”. On retrouve cette pensée chez Wolton en 1999 :
Soit l’on a affaire à un immense réseau commercial – à l’échelle du commerce électronique mondial -, soit à l’un des éléments d’un système de communication politique et d’expression individuelle pour la communauté internationale. Les deux perspectives sont contradictoires, et c’est mentir que de faire croire qu’Internet peut les servir simultanément et sans conflits…
Un peu comme l’Equipe qui condamnait Jacquet avant la coupe du monde 98, pariant sur une défaite qui, statistiquement, avait plus de chance d’advenir que la victoire, les intellectuels ont misé dans le pari Carr-Benkler sur la victoire du web marchant pour pouvoir se placer ensuite en grand visionnaire. Encore une fois, un positionnement moral très discutable.
Pas de bol : l’histoire les a complètement désavoués. En effet, le formidable succès de Wikipedia, l’avènement du logiciel libre et la régulation opérée par la communauté des hackers, développeurs et utilisateurs sur la gouvernance d’internet n’auraient pas été imaginé par les plus utopistes à l’époque où Wolton écrit ce texte. Il est d’ailleurs intéressant de constater que ces deux sujets (Wikipedia et le logiciel libre) sont soigneusement évités par ces penseurs.
Comme l’explique Clay Shirky, les prises de position pour savoir si internet et les réseaux sociaux sont en fin de compte bénéfiques sont a) inutiles car personne n’arrêtera l’inexorable pénétration de ces outils dans la société civile et b) donnent bien plus d’indication sur les interlocuteurs que sur le sujet.
Minimisation
Article écrit par Philippe Chantepie dans la Revue Esprit : Web 2.0 les économies de l’attention et l’insaisissable internaute-hypertexte.
Dans ce texte fort documenté, Chantepie propose un panorama des grands principes du Web 2.0. Rien ne manque tout est là : Long Tail, économie de l’attention, social bookmarking, hypertextualité etc … Il demeure cependant une impression d’inachevé : quel est donc le but de ce texte aride, vide de proposition nouvelle et de perspective. La conclusion est un excellent résumé : obscure, alambiquée, sans idée.
Dans son halo, le Web 2.0 redécouvrant quelques potentialités du Web 1.0 n’a pas encore réalisé le changement de perspective qu’il prétendait incarner, pas plus qu’il n’a véritablement tiré les conséquences critiques de l’hypertexte, pour les médias, pour les savoirs, pour les usages, pour les contenus et l’information, bien qu’inscrites depuis son origine. Rouvrant l’espace à l’économie des usages et la sociologie économique, la « révolution numérique » semble, encore un moment, devoir rester bien jeune.
Le sentiment qu’inspire ce texte : l’auteur en recopiant les concepts et idées tâche de se les approprier pour mieux en diluer la dimension novatrice.
Remise en cause
Après le catastrophisme, la minimisation, la spéculation intellectuelle nous avons aussi des exemples de remise en cause même de la valeur.
Ainsi cette émission de France Culture dont hypertextual a déja parlé. Dans cette émission le chroniqueur Alain Gérard Slama se confrontent à Patrick Bazin au sujet de la numérisation de la grande bibliothèque de Lyon :
Les propos d’AGS de ce matin, particulièrement virulent à l’égard de Wikipedia (des sources de données peu fiables) ou des nouveaux usages collaboratifs d’internet (en agrégeant des données sans pertinence on ne fait pas de l’analyse mais du n’importe quoi) prouvent qu’il est très mal documenté sur le sujet.
Lorsque l’on sait comment Slama prend habituellement mille précautions dans ses chroniques matinales pour exprimer sa perplexité sur un sujet donné, la virulence de ses propos auraient tendance à exprimer autre chose que de la pure argumentation rhétorique.
Préservation des institutions
On peut avancer deux raisons justifiant la défiance des intellectuels envers internet.
D’une part, en tant qu’individus adoubés par les institutions, ils disposent d’un statut coulé dans le marbre républicain. Les outils sociaux, avec la grande fluidité sociale qu’ils facilitent, incarnent une société en perpétuel mouvement : ils remettent en cause ces statuts et ces institutions.
Apparait alors une analogie entre l’objectif principal poursuivi par les cadres d’entreprises et celui des intellectuels français : la préservation de leurs institutions respectives. Ces deux pôles opposés de notre société (en gros : l’axe privé Vs Public) s’avèrent être des alliés objectifs contre les réseaux sociaux et la menace qu’ils représentent pour ces institutions en tant que vecteurs de transparence et de facilité de collaboration.
“Le premier objectif des institutions est l’auto-préservation. Elle feront tout pour conserver les problèmes qui justifient leur existences” – Clay Shirky
D’autre part, ces outils diffusent une culture internet et numérique à des échelle et vitesse prodigieuses. Cette culture est complètement étrangère pour la majorité de nos élites. Elle est perçue comme impure car leur bagage culturel classique y est de peu de recours pour y évoluer.
Il y a une vraie répugnance de nombreux étudiants en philosophie vis-à-vis de l’épistémologie contemporaine qui s’efforce de penser et problématiser les mutations provoquées par la société de l’information, les techno-sciences et la biologie génétique. Cette répugnance trouve son origine dans la résistance de professeurs à affronter de telles questions exigeant de se frotter au monde contemporain qui ne s’éclaire pas seulement à la bougie de Descartes…
La deuxième partie de cet article décrit les piliers de cette culture et en quoi elle rebute nos universitaires.
Comment être audible ?
Il est important que nos intellectuels participent à cette réflexion sur la révolution des réseaux sociaux. Notre tradition intellectuelle est considérable et sa contribution pour contrebalancer une pensée majoritairement anglo-saxonne sur le sujet est nécessaire.
Reste que pour être audibles, cette réflexion doit se disséminer sur les réseaux sociaux et la blogosphère. Pour cela, nos intellectuels devront s’adapter à cette culture. Pour être entendue leur pensée doit-être rationnelle, argumentée, cohérente, pratique et venir de l’intérieur (i.e avec une connaissance intime du sujet, provenant de l’utilisation de ces outils).
Une critique péremptoire privilégiant la spéculation intellectuelle, une rhétorique douteuse ou qui n’est pas une perspective utilisateur ne suscitera qu’indifférence.
La marche en avant continuera, avec ou sans eux.
Serge Soudoplatoff at the Ecole Normale Supeieure …
http://www.les-ernest.fr/serge_soudoplatoff
Michel Cartier (et un co-auteur) …
Êtes-Vous Prêt Pour le 21eme Siècle É
Hi Ceciiil:
Once again I have used Google Translate to read your article and, once again, the translation surely leaves something to be desired. Nevertheless, I believe I get the gist of your post and offer the following (assuming – as I do – somewhat of an understanding of your main points).
It seems to me the future of the Internet, and its ability to bring us together as a species (hope that isn’t too great a leap!), requires the active participation of as many of us as possible. Unfortunately, the clear direction of its development, IMO, is toward a flattening of hierarchies and their accompanying bureaucracies and this, as Clay Shirky notes, is not in the bests interests of many who rely on the existence of certain problems for their rationale, their raison d’être (pardon my French).
Just as this inexorable consequence of the many-to-many or one-to-many capabilities of the newer tools is being resisted within the enterprise by those who feel they will lose control, or power, or both, it surely must be frightening to many intellectuals who lean toward elitism and consider themselves a cut above the rest. Perhaps this is the case with intellectuals in France, no?
At any rate, thanks for an enjoyable (though albeit somewhat frustrating – due to Google Translate) read again. As you may be able to tell, I’m somewhat intrigued by the prospect of being able to read something written in a language I don’t know. I hope I’m truly understanding what you’re writing . . . and responding appropriately. I look forward to the day when it can be done with confidence.
Hi Jon, many thanks for the comment. I’ve shared the soudoplatoff video on facebook.
Hi Rick. Thanks again for being so relentless ! Yeah the point of the article is : institutions are pretty defiant towards internet social fluidity.
France being a very institutional country (funnily enough our longest work is anticonstitutional) and these institutions provide status. Not only is internet scary for institutions it also is for people benifitting from these institutions such as researchers, university teachers etc …
This post say theseintellectuals don’t produce valid thoughts and ideas on the topic because a) they’re scare b) they don’t like technology which something for the people, not for the elit and c) because they just don’t know the tools as they never used it and don’t have any clue.
The second part of this article (to be published later this week) will describe the pillars of the internet culture and why french intellectuals find it repellent. Sorry it’s gonna be in french as well (i’d rather mention our dirty laundry in our own language)
A decouvrir
Quelqu’un pour qui j’ai une grande admiration : Olivier Auber et sa vision avant-gardiste, pertinente de la perspective numerique http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=Home
Bonjour Florence,
Merci pour le lien j’y vais de ce clic.
Merci pour cet article, très juste. Il y a quelques chercheurs qui travaillent sur le sujet, mais pour les raisons invoquées (culture, génération…), peu en France qui réfléchissent sur ce grand sujet. Etant avant tout utilisatrice et consultante en social media, je suis arrivée au constat, que le websocial méritait vraiment qu’on s’y penche sérieusement, avec une approche scientifique derrière qui dépasse le stade des observations. C’est ce qui m’a motivée à reprendre mes études pour faire une thèse sur le sujet, en sociologie.Je ne suis que doctorante, donc pas de quoi se prétendre intellectuelle, mais ma thèse aura pour vocation de diffuser mes analyses dans ces sphères.
Mon blog http://sociocommedia.com
Bonjour Lucile,
Merci pour ce commentaire et bon courage pour ta thèse.
Connais-tu celles de danah boyd (http://www.danah.org/) et alice marwick (http://www.tiara.org/dissertation/amarwick_dissertation_proposal.pdf).
je suis très intéressé par ce type de travaux. quel est l’axe de recherche que tu as choisi ?
Bonjour Cecile,
Merci pour ces liens, oui, je suis le travail de danah boyd, avec attention. Concernant mon axe principal, il est un peu mouvant, à l’image du sujet, mais cela devrait s’articuler autour de l’influence et de l’engagement.
Vous pouvez suivre mes infos sur mon Twitter
@lucileeureka
…et il y en a pourtant : B. Latour, D. Roth, F. Chavalarias, D. Cardon, F. Rebillard… mais il est sur qu’en basant ta rédaction sur des références telles que Wolton ou Finkielraut, tu ne pourras t’attirer que la sympathie des pessimistes !-)
Merci Lucille (note : c’est Cecil – sans e)
Bonjour Nico, merci pour ces références je n’en connais aucun. En même temps je suis plus la blogosphere anglo-saxone car je crains fort que ce soit là que tout se joue.
Quel livre me recommanderiez vous, quels livres important (et accessible) ont-ils publiés ? Je ne parle pas de livres exigeant un niveau de thèsard.
Vous êtes un soupçon injuste : je n’ai justement pas cité Finkielkraut.
Il manque à votre liste Soudoplatoff que je cite dans le sequel de ce billet.
Désolée Cecil, j’ai vu mon erreur. Note au passage que c lucile, avec 1 seul L ; ). Cela dépend de ce que tu recherches, j’ai quelques références de livres sur mon blog, mais des choses très théoriques. Le plus à jour, selon moi, reste dans les blogs, je confirme pour D. Cardon, tout dépend des sujets qui t’intéresse, le social media, c’est très large et les sujets étudiés y rapportant, également.
En France, les intellectuels sont gênés par un triple handicap.
Le premier est de tenir pour méprisable tout ce qui touche à la technique. La tradition philosophique française est très idéaliste, et penser au raz des choses est assez peu courant.
Le second handicap est générationnel. Les intellectuels sont des boomers pour la plupart et ils ont tendance à voir d’un très mauvais oeil le réseau. Ils ne le comprennent pas, et ils le craignent. Finkielkraut en est une figure exemplaire.
Troisième handicap, nous avons tendance en France à nous extasier sur ce qui vient d’Amérique, héritage sans doute de la dette que nos parents ont contracté vis à vis à des boys. Les américains sont très efficaces pour décrire des phénomènes et les nommer. Pour les théoriser, ils s’appuient sur des auteurs français. Et leurs conceptions de Barthes, Foucault, Lacan and co pour ce que j’en ai lu est très partielle, pour ne pas dire insuffisante.
En France, Olivier Mauco (http://www.gameinsociety.com/) , Olivier Le Deuff (http://www.guidedesegares.info, Olivier Ertzscheid (http://affordance.typepad.com/), Antonio Casilli (http://www.bodyspacesociety.eu/) font partie des gens qui sont sur les réseaux sociaux et qui tentent de comprendre quelque chose des matières numériques. D’autres sont moins présents sur le web mais publient (Dominique Cardon, Serge Tisseron, Thomas Gaon). Les intellectuels français ne sont peut être pas très visibles, mais ils ne sont pas invisibles non plus
je ferais deux propositions:
1. Pourquoi ne pas nous regrouper dans un collectif. Cela nous permettrait de garder un oeil sur les travaux des autres, et de les soutenir en les twittant, en les mettant sur FB etc. Un groupe sur Diigo nous permettrait de faire cela très facilement.
2. Ne faudrait il pas publier systématiquement en Créative Commons ?
Bonjour Yann,
Merci pour ce commentaire et pour les liens. Des explications intéressantes …
Je suis partant pour toute sorte d’initiative éclairant notre réflexion collective sur internet et les réseaux sociaux. N’hésitez pas à me contacter.
Pour ce qui est de Creative Commons c’est déjà le cas pour hypertextual …
Merci pour cet excellent article, fort documenté.
La morale, au second degré, serait pour moi que le web de départ qui croyait être un outil simplement multimedia par sa structure de liens est devenu un outil essentiellement textuel, avec le développement du “ouaibe-deux” ! Même les vidéos sont taguées pour pouvoir être référencées…
Dommage que certains intellectuels qui se disent doués pour la parole et l’écriture n’aient pas (encore) vu les bons côtés des choses, avec en effet Wikipedia, les blogs pros, etc.
Ceci dit, la vidéo en conclusion de l’article est quand même un peu “propagande” et surtout obnubilée par sa démo en chiffres, en pourcentages ! Attention à ne pas tomber dans certains pièges, comme le nombre de fois qu’une vidéo a été vue sur YouTube ! Quand les journalistes des medias classiques (presse, radio, télé) relaient le buzz autour d’une vidéo, ceci s’ajoute au mouvement lancé par les blogueurs et autres facebookiens. D’abord, on n’est pas certain que la vidéo ait été vue complètement, ensuite qu’elle soit comprise réellement ou retenue, et donc qu’elle ait servi à qqchose. Ensuite, ces vidéos sont trop souvent des bouillies vidéos, qui sont à l’art, à l’info ou à la pédagogie, ce que la MacDo est à la restauration ! Au moins, celle-ci est pro, percutante, bien américaine dans son côté démonstratif !
Bonjour Patrick,
Merci pour ce commentaire. Tout à fait d’accord avec votre morale : on écrit et lit bien plus avec le net que sans.
Pour la vidéo, ce qui m’importe c’est que l’idée soit transmise et pour cela comme vous dites, l’objectif est atteint. La forme m’importe peu. Les chiffres contenus dans cette video sont d’ailleurs diffusés en générique de fin de l’émission pop-com de Canal.
Désolé Lucile pour le double L …
Le problème est que nous sommes impatients et pragmatiques : des livres trop théoriques ont du mal à nous captiver …
La thèse de l’article est juste. La France a d’abord laissé le champ libre à l’entrepreneuriat américain de Silicon Valley, lors du Web 1.0. Les intellectuels en France ne pouvaient donc pas percevoir l’impact du web sur la France pendant ses 10 premières années. En suite, décollage lent du Web 2.0. Les politiques français sont allés voir l’usage des médias sociaux lors des élections présidentielles américaines de 2008 pour l’appliquer en 2011/12… L’invention vient souvent d’ailleurs…d’où la stagnation des intellectuels…
Bonjour,
Votre billet m’a inspiré quelques lignes partagées hier (mais vous ne l’avez sans doute pas vu) : http://fredbeck.tumblr.com/post/1047664407/intellectuels-francais-vs-web-2-0-et-sil-ny-avait
Mon propos ne conteste nullement l’idée que nos intellectuels français sont en effet inaudibles sur le sujet des réseaux sociaux, pour une série de raisons que vous et d’autres avez énumérées justement, mais d’élargir en faisant l’hypothèse que, se tenant à l’écart du bouillon, ils gardent un recul plus salutaire que critiquable. Vous verrez, si vous me lisez, que c’est rapide et péremptoire. Ce n’est qu’une amorce… 😉
Merci d’avoir lancé le débat !
Bonsoir,
Je viens de découvrir votre blog, en googlant “surmoi marxiste”… tout un programme !
Je suis un ancien enthousiaste du 2.0, aujourd’hui je me considère comme un “modéré”, à la fois volontariste résigné et méfiant, et j’avoue comprendre les “deux camps”, si je peux me permettre une telle binarisation ridicule.
Prenons l’exemple de Jean Baudrillard : voilà un sociologue non-conformiste (peu “universitaire”) qui développe une vision extrêmement poussée du virtuel, et, pourtant, quand il insinue qu’au fond, l’abandon de l’idéal de la neutralité du net serait une bonne chose, en tant qu’elle éviterait la propagation insensée et effrénée de pseudo-universaux sur la planète, je dois dire qu’il éveille en moi un certain intérêt. On est loin, en effet, de mesurer à quel point il est “obligatoire”, par exemple, pour trouver un travail, d’être présent sur les réseaux, ce qui implique de re-formater en profondeur son esprit (Google et Facebook imposent un “usage du monde” particulièrement univoque et irréversible, et ce de façon insidieuse). Facebook vous octroie un pouce de créativité, 15 minutes de célébrité, mais en échange il tue toutes les ressources qui ne se développent que dans la solitude, le retrait et la contemplation pure, et, dicte l’agenda des pensées, via la mécanique virale.
J’espère que d’ici peu, nous verrons des militants exigeant le droit à vivre déconnecté plus de 8 jours d’affilée.
Alors, comment demander à des personnes habituées aux délices des bibliothèques, de la littérature, de l’odeur de champignons des vieilles feuilles jaunies, exercées à la maturation lente et solitaire du Verbe, de, rapidement, détruire tout cela pour s’abandonner au flux incessant de la superficialité binaire et démocratique ? Car, quoi qu’on en dise, jamais un post sur un blog, y compris suivis de 123 commentaires, ne remplacera la lente maturation de 400 pages philosophiques. Il a fallu 4 ans à Flaubert pour écrire Bovary; lui laisseront-le choix aujourd’hui, ou faudrait-il qu’il lui tweet en 10 jours ?
L’Internet n’est pas l’incarnation Bien, n’en déplaise aux Californiens et à leur très belle mais manichéenne idéologie. Libre à chacun de butiner là où il veut, mais on doit pouvoir vivre encore sans le Net. Après tout, si le web est à ce point émancipateur, pourquoi vouloir secouer les puces des gardiens du livre ?
Bonjour Thib,
Merci pour ce très beau commentaire. Je suis un admirateur de Madame Bovary et de la science de Flaubert pour l’utilisation du point-virgule. Dans ses notes de cours sur la littérature européenne, Nabokov (qui comme Flaubert n’ecrivait guere plus de 70 pages par an) y consacre une demi douzaine de pages.
Une vérité insurpassable : Internet est la révolution sociale des 10 dernières années. Bien sur, l’enthousiasme exuberant des techno-utopians est bidon et un peu nulle et, détournée dans un but rhétorique discutable, peut servir à minimiser son impact.
Mon probleme avec les intellectuels francais : leur propension à produire du jugement (internet c’est bien / c’est pas bien) plutot que de produire du sens (Internet est : qu’est-ce que cela change ?).
Une constatation très pertinent qu’évoque Grunberg : les intellectuels.fr ont beaucoup de mal à se positionner sur une innovation si elle n’offre pas de prise sociale au sens français, i.e la lutte des classes.
D’autres part, étant technologique, internet est jugé comme impur – je vous renvoie à la très belle citation de benjamin pelletier dans le billet.
La contribution d’internet à la création de connections là ou il n’en n’existait pas avant (pour citer danah boyd) est elle aussi indsicutable. Pour preuve : cette discussion entre nous n’aurait jamais pu avoir lieu sans.
Le problème de l’addiction à la connexion est un vrai problème. L’existence à travers sa vie numérique etc … Voila un vrai sujet de reflexion qu’il est necessaire d’avoir.
les blogs / twitter et les livres ne sont pas incompatibles, pourquoi les opposer ainsi ? Pourquoi ne pas imaginer qu’ils puissent être complémentaire (ce qu’ils sont pour moi).
Un grand nombre de livres formidables a été rédigé sur le sujet. Mon problème encore une fois : aucun n’est français.
Les blogs servent à des anonymes comme moi de publier leurs réflexions. Cela ne remplace évidemment pas les travaux de chercheurs compilés dans des ouvrages qui nécessitent plusieurs mois de recherche et de réflexion.
Twitter permet la diffusion d’information et avec des outils tels que paper.li de faire emerger les sujets les plus partagés dans mon réseau. C’est un filtre naturel formidable d’information.
Facebook a bien evidemment des défauts mais, (vous allez me trouver vulgaire) : 400M users can’t be wrong.
Merci encore pour ce commentaire.
Merci pour votre réponse.
Rien ne me scandalise dans vos propos, et, si j’ai forcé le trait pour contre-balancer, je prends évidemment beaucoup de plaisir sur Internet, et, sans lui, je ne pourrais pas gagner ma croûte ni mener à bien toutes ces “enquêtes” qui rythment ma vie.
Il y a plusieurs choses dans votre message, et l’un des aspects les plus tranchants de votre critique s’adresse à une certaine tradition française, marxiste, freudo-marxiste ou structuralo-marxiste. Celle-là, évidemment, tend à ne voir dans le web qu’un instrument de domination supplémentaire, visant à parasiter les consciences au bénéfice des multinationales. En ce sens, elle fournit parfois des angles d’attaque intéressants, mais peine, comme vous le dîtes, à dégager du sens, car il y en a un, c’est sûr.
Mais d’autres traditions, moins influentes, existent : Teilardh de Chardin n’est-il pas l’inventeur de la noosphère ? Quid de la monadologie de Gabriel de Tarde et des réseaux sociaux, ou de la “disparition de la réalité” de Baudrillard ? Pourquoi pas l’existentialisme ou la phénoménologie ? Le danger est de traiter la pensée française (ou “continentale”) comme désuète et impure, et de se jeter à corps perdu dans une pensée anglo-saxonne innovante, créative et courageuse : nous avons un corps, et des racines, il ne faut pas feindre de l’oublier. Et puis, parfois, il y a du bon à prendre son temps avant de se lancer. Ceci dit, comme vous, c’est par un détour par la pensée anglo-saxonne que j’ai réussi à me défaire du “surmoi marxiste”.
Regardez une marque comme Apple, qui façonne le web et ses usages : quand on voit des dizaines d’individus campés devant l’Apple store pour la sortie de l’Ipad, on ne peut que s’inquiéter. Quelle différence avec des religieux fanatiques ? Tout se passe comme si l’Ipad allait sauver leur âme, les rendre soudainement heureux, les rendre beaux, intelligents, in, avant-gardiste. C’était la même chose sur Twitter à la sortie de Google Wave : fiévreux, j’étais immensément peiné de ne pas recevoir d’invitation, j’enviais ceux qui avaient reçu le Graal. Quel ridicule ! C’est dur de prendre ses distances avec les flux instantanés.
C’est cette “attente messianique”, plus généralement déversée sur le web, qui paraît préoccupante : le dieu Google répond à toutes les questions, sur Facebook, on like vos statuts; ça devient un véritable monde parallèle et confortable où les aspérités sont effacées, où l’on aime et où l’on est aimé. L’humanité se construit une petit nid douillet, c’est-à-dire qu’elle dénie la “vraie” vie. Espérons qu’après l’ivresse, nous traversons une gueule de bois, puis que nous parviendrons à utiliser le web de “manière froide”.
Bon, c’est tout pour le moment. Sur ce je vais updater ma version de Google maps pour Smartphone.
Merci pour ces conseils de lecture. Non je ne les connais pas. je parle dans ce billet bien sur de la pensée mainstream sur le sujet.
Il y a aussi des dizaines de personnes qui campent avant la sortie d’un nouveau star wars : faut-il pour autant condamner le cinéma ?
Vous avez sans doute raison sur mon a priori biaisé vers la culture anglo-saxonne. J’ai vécu 3 ans à Londres, qui est ma capitale culturelle et footbalistique, et je lis bien plus de blogs anglais que français. En même temps la controverse donne de la visiblité.
Apple est un cas à part. Steve Jobs est probablement le plus grand génie de la décénie, le Michelangelo du début du 21eme siècle.
Il aura su lire dans les désirs des gens du 21eme siècle et créer les produits dont ils ont révé. Il a donné ses lettres de noblesse à la technologie informatique qu’il a muée de système d’information utilitaire en objets pop. Ce qu’il a réalisé est admirable. D’où le motif du fétichisme autour de ses produits.
De la meme manière, Google incarne d’une certaine manière la bibliothèque de Babel, une bibliothèque ou vous trouvez ce que vous recherchez en 600ms.
Je n’aime pas du tout, du tout Baudrillard. Depuis le 12 septembre 2001 et sa chronique dans Le Monde. Andrew Potter (The Rebell Sell) lui a dédié une épitaphe hilarante que je vous inivite à lire ici http://rebelsell.squarespace.com/blog/2007/3/6/the-end-of-the-upholstered-nightmare.html
“Apple est un cas à part. Steve Jobs est probablement le plus grand génie de la décénie, le Michelangelo du début du 21eme siècle.
Il aura su lire dans les désirs des gens du 21eme siècle et créer les produits dont ils ont révé.”
J’appelle ça de l’aliénation…et, chose sans précédent, explicite et revendiquée… Vous ferez sans doute carrière.
Bien à vous.
ce n’est pas de l’aliénation mais un constat.
je n’ai pas d’iphone, pas d’ipad, pas de mac portable.
Steve Jobs est milliardaire dans 4 industries : informatique, musique, cinema, téléphonie. on peut le devenir par inadvertance dans 1 ou 2. Dans 4 cela relève d’une compréhension intime de la psyché contemporaine.
Je vous invite à lire Chief Cultural Officer de l’anthropologue Grant McCracken. La dimension culturelle est essentielle dans la réussite des entreprises aujourd’hui. Produire et vendre des commodités tout le monde sait le faire, et en Asie ils le font pour beaucoup moins cher que nous.
En revanche, transformer des commodités en objets culturels qui créent des entreprises auxquelles les clients adhèrent complètement, peut de monde sait le faire.
L’exemple type est bien entendu Steve Jobs. Bill Gates ou Larry Elison sont-être plus riches (je n’en suis pas sûr) mais l’homme qui aura CHANGE le monde sur ces 15 dernières années en lui donnant ce qu’il espérait secrètement c’est Jobs : iMac, iPhone, iPod, Pixar, iPad.
C’est un génie dans le sens où les objets Apple cristallisent l’air du temps. Encore une fois : il ne s’agit pas d’un jugement mais d’un constat.
il a transformé le plomb d’objets technologiques utilitaires (des systèmes de gestion de l’information) en objets pops et sociaux, ultra-sexy et transverses (IT + music + communication) : il a fait advenir les promesses du futur, grâce à sa vision, dans des objets simples qui tiennent dans la main.
Appelez cela comme vous voulez : j’appelle cela du génie.
C’est gentil de me souhaiter de la réussite. Je vous souhaite la même chose. Merci encore pour la richesse de votre contribution.
Ok, tout d’abord, je vous prie de m’excuser : “aliénation” est un terme violent, et symptomatique, et controversé.
Pour créer, dans tous les sens du terme (des entreprises et des produits comme des oeuvres), il faut s’aventurer sur les terrains de la supposée “aliénation” : c’est comme ça que fonctionne la vie. Celui qui ne s’aliène pas reste figé sur son rocher, attendant la vague qui le nourrira.
Dans le “vieux” paradigme humaniste, l’aliénation signifie une altération de la conscience conduisant à une servitude non désirable. C’est en m’appuyant sur lui que je voulais franchement insister, et corriger mon point de vue : Apple et Google ne sont pas le web, et traiter Steve Jobs comme un génie ne peut être que l’effet d’un “marketing trop réussi”. Google, Facebook et Apple ont très bien compris, parce qu’ils l’initient, la mutation qui agite le capitalisme : les produits, en amont de la conception et de l’ingénierie, sont pensés comme des outils anthropologiques. Mais cette anthropologie est toujours partiale, héritière d’une culture spécifique.
Ce que je leur reproche, c’est de nous faire croire, à chaque fois, que le nouvel objet va satisfaire tous nos besoins et nous combler : C’est faux, il ne faut pas l’oublier. Personne n’a jamais rêvé d’avoir Internet dans les toilettes, sur son chevet, dans le train, etc. L’homme a, également, d’autres aspirations.
Pire, je pense que l’espace d’échange ainsi créé, sur le web, borne le débat : j’ai souvent constaté, pour avoir travaillé avec eux, que les professionnels les plus brillants du “2.0”, sont souvent des gens très aimables, très conciliants et très open. De fait, il est impossible de “dire le mal”, ou le négatif, comme si leur but était d’intégrer toute critique du système dans l’espace du web marchand ou non. Or, je crois, que parfois, il y a des choses indicibles, ineffables : la mort par exemple, ou son attente. En un sens, votre politesse extrême me semble exagérée (mais je ne vous en veux pas) : je suis méchant avec vous, et vous me répondez que c’est gentil de vous souhaiter la réussite.. Je crois que c’est ce fond-là du californien qui est à la fois irréfutable et dangereux, et qui se place au-delà de l’opinion, c’est là, dans cette “tyrannie” de la transparence et de la responsabilité que se trouve le danger. Mais comment le critiquer ? Si j’y vais à fond, je vais passer pour un fasciste, un technophobe ou un anti-démocrate…
Bon, vous sentez bien que je suis à la fois en difficulté et dans l’envie de discuter !
Mais, si vous le voulez bien, car je vois que vous poussez le débat, je reprendrai sur votre nouveau post.
Merci en tout cas 😉
pas de soucis thib, je ne suis pas le dernier à avoir des mots qui dépassent mes paroles …
il peut y avoir 2 perspectives. Une première la vôtre qui consiste à dire que Google, FB, Apple nous font croire qu’ils répondent à des besoins essentiels. Et nous aliènent en nous forçant (avec leur bonne humeur et leur gentillesse de façade) à acheter leurs produits / consommer leur service. Elle est tout à fait défendable.
Dans l’absolu, personne n’a dans ses besoins autre chose que se nourrir, avoir un logement, se protéger du froid et se soigner. Reste que peu de monde vit ainsi.
La seconde approche, qui est plutôt la mienne, est terriblement utilitariste : si nous (la grande majorité des habitants des sociétés occidentales) vivons aujourd’hui dans ce confort matériel qui ferait pleurer de rage Louis XVI, c’est parce que nous avons mis en place un système économique dont a) le but est de créer de la richesse en b) créant sans cesse de nouveaux besoins et c) grâce au moteur que sont la connaissance et l’innovation.
Je suis intimement convaincu que les besoins de découverte, d’innovation et de connaissances font partie de notre ADN. Dans ce contexte là, la contribution des Google, FB ou Apple est prodigieuse.
Là ou je vous rejoint : cela ne veut pas pour autant dire que nous sommes heureux et épanouis.
Pour vous dire la vérité je pense même que ce n’est pas le cas. Mon sentiment : cette société de la connaissance nous apporte beaucoup de liberté et nous libère de l’aliénation Marxiste. Peter Drucker l’a très bien forumlé : travailleurs de la connaissance nous possédons les moyens de production : notre connaissance. Nous sommes donc post-marxistes.
En revanche, cette même société de la connaissance nous plonge dans les abîmes de l’angoisse existentielle Kierkegaardienne : nous avons du mal à faire sens de notre existence car nous avons cette conscience que notre futur n’est plus déterminé mais librement choisi.
Mais à mon sens il s’agit d’un autre problème.
Pour ma réponse très gentille, il s’agit d’une des phrazes for the young de Julian Casabiancas.
Là encore il s’agit d’une approche très Californienne, de laquelle je me sens très proche.
Je comprends tout à fait que cela puisse énerver. Mais à l’usage lorsque l’on collabore avec de nombreuses personnes et que l’on a comme objectif de “getting things done” c’est très pratique.
Ca a marché : cela vous a ramené dans la conversation 😉
Merci à vous.
Curieusement on voit en effet peu de penseurs “mainstreams” francophones s’exprimer. Ce qui me fascine c’est de voir que par contre la grande majorité de la production anglo-saxonne sur le sujet se base explicitement sur des auteurs francophones… ceux-ci sont plutôt hétérodoxes:
– French Theory postmodernes (Derrida, Deleuze&Guattari…)
– des français actuels qui ont une présence plus forte aux US qu’en France (Bruno Latour notamment)
– des intellectuels français oubliés comme Tarde, de Certeau ou Gilbert Simondon
Si je partage les arguments décrits dans le billet, je me demande s’il n’y a pas une autre raison: le fait que les intellectuels français (sociologues, philosophes) ne s’intéressent pas plutôt à construire des théories très générales… dans lesquelles le “numérique” ne serait qu’une instance. Et du coup s’exprimerait plus sur ces théories que sur les champs dans lesquelles elles s’appliquent. Je ne porte absolument pas de jugement de valeur là-dessus, c’est juste un constat.
Bonjour Nicolas,
Merci pour ce commentaire. Une perspective intéressante. Des livres à recommander parmi les auteurs cités ?
Attention, évidemment les auteurs que je mentionne ne sont pas du genre intellectuel médiatique comme Shirky (qui a plus une posture médiatique d’intellectuel que de chercheur académique), il s’agit plutôt d’académiques s’attachant à comprendre les logiques d’actions dans le monde, les liens entre technique et société, etc.
Un exemple qui me vient à l’esprit dans l’instant c’est Bruno Latour: Paris Ville Invisible décrivait il y a 10 ans ce que l’on voir aujourd’hui réalisé par le Sensable City Lab au MIT (cartographie des traces générées par les mobile devices)
Sinon, à chaque fois que je vois quelqu’un parler de hacking et de la manière dont les usagers bricolent/modifient et s’approprient des technologies, cela me fait penser que cela a été théorisé par des gens comme Michel de Certeau (dans L’invention du quotidien, qui est souvent cité dans des publications anglo-saxonnes) et d’autres.
Sinon, l’exemple le plus frappant dans un de mes domaines (locative media, services géolocalisés) concerne la manière dont Guy Debord (et les situationnistes) ont été pillé. Voir ci en résumé. Le nombre de projets de systèmes géolocalisés (d’artistes, de designers voir de start-ups) qui se réclament de Debord est grand.
En gros, beaucoup de ces auteurs fournissent soit des cadres théoriques (Latour, de Certeau…), soit des concepts séduisants (Deleuze et son rhizome, les situs avec la psychogéographie) qui sont éminemment influents en dehors de la sphère francophone. Par contre, cela commence à dater un peu et la présence d’une relève est plus hypothétique en dehors des noms cités par ici.
Bonjour,
Quelques commentaires, en essayant de ne pas être trop “anti-californien” (ie pas trop méchant) 😉 :
Le travers de votre article, partagé par d’autres :
tirer une conclusion générale, généraliser “les intellectuels français sont à côté de la plaque et inaudibles”
à partir d’une analyse parcellaire, partielle (effet projecteur détourné)
Vous l’avez vous même dit en commentaire : votre analyse est biaisée par le fait que vous êtes très anglo-centré.
Pour s’en convaincre, il suffit de voir votre admiration sans borne pour le grand chef d’Apple. S’il est un génie, c’est surtout du marketing.
” Un grand nombre de livres formidables a été rédigé sur le sujet. Mon problème encore une fois : aucun n’est français. ”
Cependant, lorsque Nico et d’autres vous ont cité des noms d’auteurs français, vous avez avoué ne même pas les connaître de nom !
N’y a-t-il pas contradiction ?
En ne focalisant le projecteur que sur ce qui est écrit en anglais ou en français par les intellectuels de la vieille école (que vous appelez “mainstream”),
il est certain que vous ne trouverez pas d’oeuvre intéressante en français !
Qui veut tuer son chien l’accuse d’avoir la rage !
” 400M users can’t be wrong. ”
Mais si ! Voilà le problème. Regardez la lente et difficile émergence des logiciels libres face au monopole de Microsoft. Combien d’années a-t-il fallu à ces logiciels ne serait-ce que pour commencer à être connus et se répandre ?
Combien de temps a-t-il fallu au système métrique pour se répandre ? Il n’est pas facile d’aller à contre-courant contre les systèmes omniprésents.
D’ailleurs, c’est même 500 millions maintenant, non ?
Et combien d’utilisateurs de produits Microsoft, Apple, de Coca Cola ? Selon moi, il est totalement abusif de parler de communauté pour toutes ces personnes. De dire que ça en ferait le 3ème pays (ou je ne sais quoi) du monde. Pas plus que l’ensemble des clients de MS ou d’Apple ! Ce n’est pas parce qu’on est inscrit sur le même site ou qu’on a acheté le même ordinateur qu’on fait partie de la même famille, qu’on a des valeurs communes, qu’on est “compatriotes”.
” ce n’est pas un jugement, c’est un constat ”
Autre critique : en fait, malheureusement, vous prenez vos jugements, vos opinions pour des faits, des réalités “. Est-ce une façon de faire pour un intellectuel ? C’est pire qu’un argument d’autorité !
C’est quoi des “commodités” ? des objets commodes ? des meubles ? des gadgets ?
Bonjour Aleks K.,
Merci pour votre commentaire documenté.
Ce que j’observe : les intellectuels français contemporains sont inexistants dans la grande conversation internationale autour de la révolution d’internet. Que ce soit dans les blogs, les livres sur les sujets ou dans les conférences on n’en retrouve aucun. Citez moi un auteur équivalent à Clay Shirky par exemple à la fois très pointu et vulgarisateur, visible dans des conférences et d’une grande simplicité d’accès. Personnellement je n’en vois pas. Lorsque je parle “d’un grand nombre de livres formidables”, je parle de livres ayant obtenu un écho important dans bon nombre de publications/conférences internationales.
Les intellectuels.fr qui ont aujourd’hui la plus grande visibilité ont plutôt tendance à minimiser ou dénigrer la chose. cf fluctuat : http://www.fluctuat.net/6930-Seguela-Finkielkraut-Duhamel-et-les-anti-Internet.
La position de ce billet que vous avez eu la courtoisie de commenter : en tant que vecteur de fluidification sociale, les réseaux sociaux embarrassent une élite qui voit d’un mauvais oeil des outils qui menacent leur avantages ataviques d’accès et de publication d’information. Je n’en n’ai aucune preuve mais l’intime conviction.
Clay Shirky a dit une chose remarquable : Revolution doesn’t happen when society adopt new technologies it happens when society adopts new behaviors. Quand je vois ma mère de 67 ans (pas vraiment geek) organiser ses sorties en montagne avec ses amies grâce à Facebook je me dis que là nous sommes en train d’assister à quelque chose d’inédit. Pour citer Danah Boyd : Facebook a créé des connections là où il n’en n’existaient pas avant et cela est en tout point remarquable (et révolutionnaire !).
Wikipedia n’a pas attendu longtemps. Le serveur web Apache non plus avant de prendre la tête de la part de marché de serveurs HTTP. Je ne comprends pas votre point.
Réduire Steve Jobs à un génie du Marketing est à mon sens un understatement. Cet homme a apporté au 21ème siècle tout ce que des crétins comme J2M envisageaient confusément sans être capable de le réaliser. Son génie se trouve à l’intersection du marketing, du design, de la technologie et de la science sociale. Je vous invite à feuilleter Chief Culture Officer de Grant McCracken un anthropologue Canadien qui parle magnifiquement bien de Jobs. Tout comme Louis Calaferte a tout compris à la mécanique des femmes, Steve Jobs a tout compris à la mécanique de l’humain post-moderne.
Où ai-je prétendu être un intellectuel ? Je suis un informaticien et un blogger. Ceci est un blog d’opinion où traine un peu de mauvaise foi.
Pour les commodités c’est un anglicisme grossier que vous faites bien de relever – la traduction de commodity (denrée, matière première).
Merci encore pour votre contribution et le temps que vous avez consacré à hypertextual.