Citations du dimanche : Cinthya Fleury

#hypertextual copie l’excellente initiative de Solution de Continuité et propose une nouvelle rubrique : la citation du dimanche.

Cynthia Fleury est philosophe, professeure à l’université américaine de Paris, à l’institut d’études politiques et à l’école Polytechnique. Au cours d’un passionnant entretien accordé au magazine Cles elle dit cette très belle chose :

La nature profonde du net fait de nous des êtres polyfracturés. Car la fameuse “fracture numérique” ne sépare pas seulement les classes sociales, elle passe à l’intérieur de chacun, le perpétuel renouvellement de la technique nous faisant croire à notre propre obsolescence. La résistance démocratique se doit de dénoncer cette manipulation : seul l’outil est obsolescent et non l’intelligence humaine qui vient l’animer.

Dans le même entretien, on pourra bien entendu regretter cette vision un peu caricaturale d’une intellectuelle complètement absente de ce nouveau media :

Il semble que 98% des échanges sur internet soient d’usage divertissant ou pornographique. Quand on me parle de l’aspect citoyen du web je mets un bémol : c’est ultra-minoritaire.

Il semblerait que les derniers évènements dans les pays arabes aient tendance à quelque peu tempérer cette assertion. Cela nous ramène une fois de plus à l’absence de réflexion intellectuelle sérieuse et fondée sur ce sujet dans notre pays.

8 Comments

  1. Excellente initiative, Solution de Continuité renonce à tout copyright 😉 Manquerait plus que cela…

    Le choix de la citation en question est judicieux et hélas pourrait être décliné à l’envi, tant les citations du même tonneau se font entendre ici ou là, dans la bouche de gens fort doctes au demeurant (encore faudrait-il savoir de quelle connaissance on parle), et illustrent combien en effet la réflexion sur le Web et ses effets (voir la connaissance réelle de la chose) fait quelque peu défaut en France.
    Qu’il est difficile de se défaire d’une posture humaniste, et de comprendre que l’outil change celui qui l’utilise et le prolonge. “Le perpétuel renouvellement de la technique” ne nous fait pas croire à notre propre obsolescence, mais nous fait comprendre le besoin pour nous d’évoluer, ce que nous faisons en permanence, même si cela échappe à certains et déplaît à d’autres qui aimeraient arrêter la marche du temps. La technique émane de l’homme et le prolonge, lui qui par exemple en ce moment de son histoire, évolue grâce à l’usage du web au point de changer le fonctionnement de son cerveau.

    Quant à la critique du “divertissant” elle renvoie à celle du plaisir, forcément condamnable (doublement, car solitaire en plus) !
    Question subsidiaire : où sont et qui sont les commissaires chargés de viser le contenu des échanges sur le Web et de les classer dans la catégorie “divertissant” ? D’où sort ce chiffre ?

  2. Vous avez bien raison Trémeur au sujet de la seconde citation : c’est tout simplement affligeant et tout à fait symptomatique de l’ignorance de nos intellectuels sur ce qui est en train de se jouer ici avec ces nouveaux outils numériques.

    Reste que la première citation est, elle, magnifique.

  3. OK pour la seconde moins pour la première. C’est plutôt vrai : il y a cette sorte de culpabilité technologique a être dépassé.

    Mon sentiment reste que la fracture principale est culturelle, liée aux usages et pas aux technologies. Fracture que’alientent nos élites et leur culture de l’écrit sans voir que les 2 sont complémentaires : on n’a jamais eu autant besoin de compétence littéraire dans un monde où il est si facile de publier ses idées et d’argumenter avec les autres.

    Ce que Marc Prensky (le père de l’expression Digital Natives) évoque en disant que la compétence numérique est une nouvelle literacy

  4. Absolument. Ce pourquoi nous avons besoin en terme d’éducation, d’apprendre à utiliser les outils numériques qui nous prolongent. Car le savoir n’est plus associé à l’individu, au formateur. Comme dit Serre, il n’a plus comme support le professeur, il est objectivé, non plus dans les livres, mais sur Internet, dont l’accès est désormais possible de partout, en permanence. Et ceci vient alimenter notre intelligence, la vivifier, et la défier. Il convient donc d’apprendre à savoir utiliser ces outils qui permettent d’assurer la transmission du savoir et la constitution de l’intelligence, ce qui implique de savoir chercher, sélectionner, confronter, synthétiser, etc. Voilà où se loge cette literacy que chacun se doit acquérir. Et il est loin d’être assuré que les jeunes générations, simplement parce qu’elles sont jeunes, y soient mieux formées. Précisément parce qu’on ne les forme pas à l’emploi de la chose, qu’on méprise encore l’importance des compétences au détriment du culte de la Grande culture, patrimoniale, dont on se contente pour l’essentiel d’assurer la transmission dans le cadre du temple de l’école. Ce modèle a fonctionné, il n’est plus opérant. La posture humaniste a donc cessé d’être pertinente.

  5. Je penche plus pour la lucidité que le radicalisme. Il ne s’agit plus de se convaincre que le monde change, et que l’éducation doit suivre. Nous le savons désormais, et il faudrait être bien aveugle ou pathologiquement conservateur pour ne pas le voir. Il est donc plus que temps de penser aux solutions pour accompagner ce changement et anticiper ceux à venir.
    Merci pour le lien.

  6. D’accord pour le point sur la lucidité. La question est comment convaincre les sceptiques ?

    Encore une fois il s’agit de blocages culturels, les plus durs à relever.

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