Nouveaux Horizons RH – Entretien avec Alexandre Pachulski

Alexandre Pachulski est un un acteur majeur du monde des RH 2.0 en France. Son blog est un passage incontournable pour tous ceux que le sujet intéresse. Il propose avec son nouveau livre Les Nouveaux Horizons RH un panorama complet des enjeux que rencontre cette profession au 21ème siècle et propose un éclairage pertinent et salutaire sur de nombreux sujets essentiels : gestion des talents, engagement des employés, collaboration, hiérarchie plate, réseaux sociaux d’entreprise, évolution du rôle des managers etc …

On pourra regretter une vision peut-être un peu trop franco-française, un manque de perspective interculturelle chère à Hypertextual. Demeure un texte important, à mettre entre les mains de toutes les DRH (je viens de l’offrir au mien !). Alexandre a accepté d’en discuter avec #hypertextual (de son livre, hein, pas de mon DRH) …

Bonjour Alexandre et merci d’accorder cet entretien à Hypertextual. Peux-tu te présenter rapidement ?

Bonjour Cecil, je m’appelle Alexandre Pachulski et suis cofondateur et Directeur Général Produits de TalentSoft, éditeur logiciel de gestion des talents. J’anime également un blog (lestalentsdalex.com) autour des problématiques RH et médias sociaux, et je suis l’auteur d’ouvrages sur le sujet.

Comment en es-tu venu à faire cette thèse sur le Knowledge Management. Quel élément particulier t’a attiré dans cette voie ?

J’ai toujours été passionné par l’humain : comment il raisonne, comment il décide, comment il apprend… afin de finalement l’aider à se développer et s’épanouir. J’ai donc suivi des études d’intelligence artificielle et de sciences cognitives puisque ces disciplines me permettaient d’appréhender l’humain par le biais de méthodes scientifiques.

J’avais à coeur de mettre tout ce que j’avais appris en pratique au sein d’entreprises, mais la frontière entre l’université et l’entreprise est encore tenace, tout du moins en France. Le Knowledge Management (qui émergeait fortement à la fin des années 90) me semblait parfaitement allier cette nécessaire compréhension de l’humain avec des problématiques d’entreprise. J’ai eu la chance d’obtenir une bourse d’état à Paris-Dauphine pour mener une thèse sur le sujet, thèse durant laquelle j’ai pu mener de nombreuses expérimentations en entreprise.

Cet ouvrage offre ta perspective sur les principaux enjeux rencontrés aujourd’hui par les RH. Quels sont les éléments qui justifient selon toi aujourd’hui cette évolution profonde de la gouvernance RH ?

L’évolution que je propose résulte en fait d’une évolution qui a déjà eu lieu : celle des collaborateurs qui évoluent chaque jour en entreprise ! Mais cette évolution a eu lieu en dehors de l’entreprise et a été – en partie – causée par l’émergence des médias et réseaux sociaux. Ces nouveaux outils ont fait évolué nos modes d’interaction, de collaboration, de décision, notre rapport à l’information, au partage, à l’autorité même. Nous sommes tous aujourd’hui, dans notre vie de tous les jours, en position d’acteur plutôt que de spectateur.

L’entreprise peine cependant à intégrer ces nouveaux comportements, ces nouvelles attentes, en maintenant des organisations par trop verticales, cultivant le secret, etc. Demander aux collaborateurs de faire le grand écart entre un mode d’être en entreprise et un mode d’être dans leur vie privée ne me semble ni source d’efficacité, ni source de bien-être.

Le livre traite beaucoup du sujet d’engagement des collaborateurs. Comment aujourd’hui les différentes directions d’une organisation peuvent-elles évaluer l’engagement des collaborateurs et quelles mesures pratiques peuvent-elles mettre en oeuvre pour encourager cet engagement ?

Le sujet de l’engagement est clé pour une raison simple : si l’on considère – comme c’est le cas depuis plusieurs années maintenant – que la compétitivité d’une entreprise repose sur le talent de ses collaborateurs, faire en sorte qu’ils aient envie de donner le meilleur d’eux-mêmes est essentiel ! La notion d’engagement est souvent (et à tort) confondue avec d’autres notions comme la motivation, la satisfaction.

On peut être très satisfait de son travail parce que l’on est bien payé et que l’on ne travaille pas beaucoup (en tout cas cela peut satisfaire certains… :). On peut être motivé à faire quelque chose sans être très intéressé par ce que l’on fait. Il suffit parfois d’une prime significative pour générer de la motivation.

La notion d’engagement est plus profonde, elle a trait à la notion de cause. On est engagé parce que l’on croit en une cause, en des valeurs, en un projet. Il y a une notion d’intime, de personnel dans l’engagement. C’est l’engagement qui permet véritablement à un individu de révéler toute l’étendue de son talent, voilà pourquoi cela est si important.

Pour ce qui est de la détection, c’est très simple : si vous voyez quelqu’un qui indépendamment de ses humeurs, des problèmes qu’il peut rencontrer, des déceptions qu’il peut connaître, est toujours concerné par le sort de l’entreprise, vous savez qu’il est engagé !

La communication, l’explication du sens de l’action, la construction d’une grille de lecture commune des situations et des évènements, voilà tout ce qui favorise l’engagement des collaborateurs.

Tu évoques la nécessité de développer une culture collaborative dans l’organisation. Quels sont les leviers que les RH peuvent mettre en oeuvre pour favoriser cette culture de la collaboration en incitant les équipes à mieux collaborer ?

Une organisation ou une culture collaborative ne peut se décréter, ni par les RH, ni par personne. En tout cas tant que les individus ne voient pas l’intérêt de la collaboration ! Intérêt individuel d’abord, intérêt collectif ensuite. Certaines entreprises sont naturellement collaboratives, d’autres moins.

Il y a deux bonnes nouvelles : nous avons pris l’habitude dans notre sphère privée de collaborer, que ce soit pour rechercher de l’information (merci Twitter), pour rechercher une compétence (merci LinkedIn) ou organiser un évènement (merci Facebook). Dans l’environnement complexe et incertain qui est celui des entreprises, rares sont les problèmes qui ne nécessitent pas l’intervention de plusieurs acteurs pour être résolus. La collaboration apparaît dans ce contexte presque comme une évidence. L’enjeu, qui est bien celui des RH, est de lever les obstacles qui nuisent à la collaboration et de conduire le changement.

Elle doit pour se faire identifier dans les différents processus RH (recrutement, détection, évaluation et développement des talents, etc.) ce qui nécessite de la collaboration : la cooptation côté recrutement, demander aux collaborateurs de faire savoir les formations qu’ils ont aimé, les évaluations de compétences par les pairs évidemment, etc. La valeur ajoutée doit être identifiée avant de lancer toute initiative sociale.

L’ouvrage insiste sur l’importance du management par objectifs et avance que la reconnaissance passe par une définition claire et sans ambigüité des objectifs de l’employé. Cela ne va-t-il pas à l’encontre de la  culture collaborative ? Comment articules-tu cela avec l’incitation à la collaboration ?

🙂 Voilà un point clé. La gestion des objectifs a trait à l’obligation de résultats. Non seulement cela ne s’oppose pas à une culture collaborative, mais c’est même la collaboration qui laisse aujourd’hui à un individu une chance d’atteindre ses objectifs et de produire les résultats attendus ! Il est clair qu’à choisir entre aider quelqu’un et assurer mon travail, l’humain (sans aucun cynisme) favorisera souvent sa propre réussite. Mais dans la mesure où sa réussite passe par de la collaboration, le problème n’est plus le même.

En fait, l’enjeu réside dans le fait que ce n’st pas toujours les mêmes qui aident et les mêmes qui demandent de l’aide. C’est là où intervient la RH, dans cette mise en relation qui favorise la collaboration et l’efficacité !

L’introduction au chapitre sur la nouvelle feuille de route RH avance que la transformation de l’entreprise passe par la transformation de la fonction RH. Comment faire lorsque comme le montre cette étude de Mercer les RH français sont beaucoup moins nombreux à reconnaître avoir un rôle opérationnel ?

C’est grâce à ce type d’études que j’espère vendre beaucoup de livres 🙂 Les RH français sont effectivement souvent loin de l’opérationnel parce que l’organisation et les processus ne s’est pas adapté à l’évolution de la fonction RH. Ils sont en un peu moins de quinze ans passés d’un rôle de responsable administratif à un rôle de développement de la carrière des collaborateurs. Ce changement est toujours en cours. Le livre vise précisément à fournir les clés qui l’accéléreront.
Un autre point important évoqué par ce livre est le besoin pour l’organisation de fluidifier l’information, insistant sur le fait que cette fluidification est liée à des facteurs psychosociaux tels que la confiance ou la reconnaissance. Ne s’agit-il pas en France d’une tâche particulièrement difficile où nous sommes les champions de la défiance ou du manque d’honnêteté au travail ?
Tout ce qui est profondément ancré dans l’individu, parce que cela fait partie de la culture nationale ou pour toute autre raison, est difficile à changer. D’autant plus dans un environnement où toute incursion dans l’univers personnel est vu comme une ingérance.
J’en reviens donc à la notion de valeur : tant que l’incidence des facteurs psychosociaux sur l’efficacité personnelle et la compétitivité de l’entreprise n’est pas prie en compte, il n’y a pas grand-chose à espérer.
Les RH doivent mettre en évidence l’influence de l’un pour l’autre ! Quand les dirigeants d’entreprise et les managers l’auront compris, alors pourra commencer la mise en place d’une nouvelle organisation, d’un nouveau fonctionnement. Certaines entreprises n’en sont pas si loin, d’autres…. Mais j’invite les plus sceptiques à répondre à cette simple question : quelle est l’autre alternative ? Ne rien faire ? Au risque de favoriser le turn-over et de voir sa compétitivité décroître ?
Nous avons une culture organisationnelle française plutôt institutionnelle où la hiérarchie joue un rôle important. Comment mettre en oeuvre dans ce contexte culturel la hiérarchie plate que défend ton ouvrage ?
La culture organisationnelle française que tu évoques est davantage celle des grandes entreprises et des administrations. Beaucoup d’entreprises du secteur privé, notamment sur ce que l’on appelle le mid-market, sont en train d’adapter leur organisation. Pas toujours parce qu’ils l’ont décidé, mais parce que la globalisation et la complexité dans laquelle elles sont plongées les y contraint. Tout cela amène naturellement chaque collaborateur à prendre davantage de responsabilités, et chaque manager à coordonner plutôt qu’ordonner.
Dernière question, fondamentale : Clay Shirky, Andrew McAfee, Bertrand Duperrin, Oscar Berg, John Stepper, Alexandre Pachulski, Cecil Dijoux : comment expliques-tu que de nombreux activistes 2.0 sont chauves ?
Ah ah 🙂 il va nous falloir une interview entière sur le sujet !

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