Une formation organisée par Development Institute International et animée par 3 avocats du cabinet Baker & McKenzie.
L’objectif de cette journée est de sensibiliser les entreprises aux risques juridiques liés à la mise en oeuvre des réseaux sociaux en interne (pour la seule organisation), en externe (avec les partenaires et les clients) ou enfin avec les médias sociaux publics (Facebook, Twitter etc …).
Après une présentation générale de Frédéric Créplet du cabinet Voirin sur les réseaux sociaux, Denise Lebeau Marianna, Virginie Ulmann et Olivier Vasset, appartenant respectivement aux département TIC, Propriété intellectuelle et Droit Social de B&McK, nous ont offert une synthèse très complète, dans un français splendide (précis, juste, éloquent) auquel on n’est plus habitué lorsqu’on a, comme moi, l’habitude de suivre des formations dispensées par des informaticiens.
Selon B & Mc K, les réseaux sociaux présentent de multiples intérêts : les success stories de Dell ou Louis Vuitton sont suffisamment significatives. Le problème n’est donc pas de déterminer si on doit se lancer mais plutôt comment s’assurer que l’on met toutes les chances de réussite de notre côté lorsqu’on élabore notre stratégie avec ces nouveaux médias…
Page Facebook
Avec 600M d’utilisateurs et le milliard probablement atteint en 2011, Facebook est LA plateforme incontournable. Pour les marques, y avoir une page est un enjeu stratégique. Cette page est régie par des conditions générales d’utilisation : celles-ci doivent évidemment être maitrisées par l’entreprise.
La création d’une telle page est soumise à la LCEN (Loi Confiance Economie Numérique). Des mentions légales doivent y figurer. La responsabilité éditoriale relève de l’entreprise
et du Community Manager s’il a été agréé.
Dans le cas où l’on recueille des informations des clients, on doit ce conformer à la loi Informatique et Liberté et on ne peut pas s’affranchir d’une déclaration de la CNIL. Une politique de confidentialité doit y être clairement décrite. En outre, les entreprises n’ont pas le droit d’utiliser les profils utilisateurs et les informations recueillies sur ceux ci à des fins commerciales.
Par ailleurs ces pages ne peuvent être utilisées comme support pour des campagnes de promotion : pour cela les entreprises doivent utiliser des Facebook Apps (i.e. hébergées sur des serveurs autres que ceux de l’entreprise Californienne). Kiabi en a fait l’amère expérience : malgré ces 130,000 fans, la page a été unilatéralement fermée par Facebook car Kiabi dérogeait à cette règle.
Nom de domaine
Un des préalables à la création d’une page Facebook ou d’un compte Twitter est de s’assurer de la couverture de ses droits et de protéger sa marque. Les principaux réseaux sociaux
étant domiciliés en Californie, il est important de protéger sa marque dans cet état.
Le second conseil est de se constituer un portefeuille de noms d’utilisateurs correspondant à la marque et aux Produits phares.
Dans le cas où ces noms ont déjà été réservés, il y a plusieurs options. La plus simple est de solliciter un accord à l’amiable avec l’utilisateur l’ayant enregistré.
Si cela ne fonctionne pas on peut alors solliciter le département juridique du réseau social. Attention à ne pas engager d’approche trop légaliste et offensive : cela joue très souvent contre la marque ou la célébrité. Les exemples sont légions où la communauté du réseau social prendra fait et cause contre un nom reconnu (le fameux Streisand Effect) qui abusera de l’arsenal juridique contre un anonyme.
Si l’utilisateur n’a pas de droit sur le nom alors la requête est légitime. Par exemple si M. Dijoux a créé la page Facebook Weetabix, s’il n’a rien à voir avec la marque, la demande pour récupérer ce nom de page sera légitime et aura des chances d’aboutir chez le fournisseur Californien. Reste que cela demeure à l’appréciation de ce dernier, et que celui-ci tend à être de moins en moins conciliant avec les marques demandeuses.
Avec Twitter cela s’avère encore plus difficile. En règle générale, ce réseau social ne destitue un compte usurpé à la seule condition que ce dernier est discriminatoire. Un exemple est le cas http://twitter.com/eads qui est le compte personnel de David Eads. Twitter a catégoriquement refusé de réserver ce compte à l’entreprise européenne.
Droits sur les contenus
La loi sur le droit d’auteur en France est la plus protectrice du monde. A moins d’avoir une clause complète (tous les pays, tous les supports etc …) explicitement stipulée dans le contrat
de travail, la création du salarié lui appartient en propre et n’appartient pas à l’entreprise. Il est donc de la responsabilité de celle-ci d’obtenir cet agrément des employés pour avoir le droit d’utiliser les contenus publiés par les salariés sur les réseaux sociaux publics et internes.
En revanche les droits moraux (droit à la paternité, respect de l’oeuvre, retrait etc ..) sont inaliénables et imprescriptibles : ils sont conservés par l’auteur.
Risques liés à la mise en ligne
Dans les ressources ajoutées par l’entreprise sur des réseaux publics, un lien hypertexte ou un flux RSS peut être source de risques si le libellé cause préjudice à un tiers (reproduction d’une oeuvre protégée, caractère diffamatoire) ou renvoi vers une page avec oeuvre contrefaite, parasitisme, concurrence déloyale, etc …
Pour le flux RSS il est conseillé de prévoir une clause pour la responsabilité découlant de ce flux d’information.
En ce qui concerne les contenus générés par les utilisateurs et la communauté, il est recommandé de procéder à une modération a posteriori : l’entreprise a alors une responsabilité limitée en qualité d’hébergeur. Dans le cas d’une modération AVANT publication, il s’agit d’une responsabilité de droit commun.
Le conseil est ici de prévoir une clause de cession des droits de propriété intellectuelle assez large pour le contenu utilisateur.
Le Community Manager
Le rôle du Community Manager est d’animer les communautés internes ou externes de l’entreprise. Il s’agit d’une nouvelle mission dans l’entreprise qui qui nécessite des compétences et des savoir-faire spécifiques.
Ce poste revêt un certain nombre de responsabilités juridiques qu’il convient de maîtriser : connaissance et respect des conditions générales d’utilisation ainsi que des textes légaux et réglementaires applicables (infraction de presse, concurrence déloyale, dénigrement, droits à la propriété intellectuelle etc …
Un réseau public ?
La question centrale : un RSE (Réseau Social d’Entreprise) est-il un réseau public ? Réponse de la législation : un réseau intranet n’a pas un caractère public s’il est réservé aux seuls membres d’une entreprise. Le nombre limité d’utilisateurs et la notion de communauté d’intérêt est ici importante pour caractériser un RSE en tant que réseau privé.
Pour ce qui est du profil Facebook, cela dépend de la configuration de confidentialité du compte. Ainsi dans le fameux cas d’Alten où des employés ont été licenciés pour dénigrement de l’entreprise et incitation à la rebellion, le profil de la personne sur lequel les propos diffamatoires ont été postés avait une configuration telle que non seulement les amis mais aussi les amis des amis pouvaient y accéder : d’où sa caractérisation en tant que page publique.
Constat d’huissier
Dans le cas où des contenus litigieux portant atteinte à la marque sont constatés sur internet, la marque peut entamer des procédures juridiques. Avant toute chose, il convient de faire constater les faits par un huissier, rompu à cette démarche protocolaire et spécifique. Si cette démarche n’est pas scrupuleusement respectée, les preuves ne seront pas valides et la démarche sera déboutée.
Même dans le cas où celles-ci le sont, il y a de nombreux exemples où l’image de la marque a été sérieusement écornée sur le net ou les médias sociaux (les affaires JeBoycotteDanone.com ou Greenpeace Vs Nestlé) sans que pour autant la justice ne lui donne raison à la marque. #hypertextual en a déjà parlé : comme le rappelle SpinTank : une e-réputation ca ne se nettoie pas, ça se construit.
Synthèse des recommandations
Pour un réseau interne, qui n’est pas considéré comme un réseau public tant que le nombre est limité et que ce réseau concerne une communauté d’intérêt, une charte globale est suffisante. Il n’est pas nécessaire de mettre à jour le contrat de travail. Bart Schutte nous expliquait ainsi qu’à St Gobain le service juridique avait établi une charte d’utilisation de 8 pages que les utilisateurs signaient avant d’utiliser leur RSE.
Pour les réseaux sociaux publics, la première chose est de maîtriser les conditions générales d’utilisation des pages Facebook et compte Twitter.
Ensuite il est nécessaire de définir les conditions générales d’utilisation de sa page Facebook : se prémunir contre l’usage abusif, gérer la réutilisation des contenus des contributeurs, clarifier les droits de propriétés intellectuelles, encadrer la ligne éditoriale, mettre en place un système de signalisation des contenus à la disposition des utilisateurs, veiller à l’opposabilité de ces conditions générales et procéder à de la modération a posteriori.
Enfin il est recommandé de communiquer clairement autour de la liberté d’expression mais aussi des responsabilités des employés sur les réseaux sociaux. En effet, cette liberté d’expression des salariés est limitée par certaines règles auxquelles ceux-ci sont soumis par la loi ou au titre de son contrat de travail : loyauté envers l’employeur, secret professionnel, respect à la confidentialité, devoir de réserve, etc …
L’élaboration de la charte d’utilisation est un élément essentiel : la communication autour de cette charte ainsi que ce qui est attendu des employés dans le cadre de la stratégie de l’entreprise dans l’utilisation des réseaux sociaux est fondamentale. A titre d’exemples, Koka Sexton a centralisé une liste de 100 Corporate Social Media Policies.
Il s’agit d’un sujet important qu’il ne faut certainement pas négliger. En cas de doute, le mieux est encore de passer par des professionnels. Development Institute International et la très compétente Denise Lebeau Marianna seront ravis de vous accompagner dans cette démarche.
Aucun problème pour EADS !
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Bonsoir,
quel est le risque encouru pour une personne ayant crée une page facebook pour une entreprise sans qu’on lui ai demandé et qui ferai payer les publications sur cette page?
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. Je n’en n’ai pas la moindre idée. Je vous recommande de contacter un avocat sur ces sujets.
Bonjour.
Dans votre article, vous parlez de la responsabilité éditoriale du community manager “s’il a été agréé” ; pourriez-vous me donner quelques précisions sur ce point ?
Merci d’avance pour votre aide.