Citations du Dimanche : Pépin, Spinoza et Aristote

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Réfléchissant à la beauté du geste de l’artisan, Aristote cherchait ce qui en parachevait la perfection. C’est le plaisir pris à l’acte, répondait-il de manière lumineuse, qui en fait un acte parfait, ce qui revient à voir dans le plaisir l’indice même de la compétence. (…) Avez-vous donc la possibilité, là où vous êtes, d’accroître votre compétence ? Peut-être vous faut-il travailler plus pour éprouver plus de plaisir ! – et pourquoi pas cette joie dont Spinoza disait qu’elle était le « passage d’une moindre à une plus grande perfection ».

Dans le Philosophie Magazine #105, Charles Pépin répond à une question d’un lecteur. L’auteur de l’indispensable Les Vertus de l’Échec paru cet automne apporte un éclairage philosophique saisissant sur notre relation au travail. S’appuyant sur Aristote et Spinoza, Charles Pépin avance ici que le plaisir au travail est directement lié à la perfection du geste et à la capacité de développer sa compétence dans le geste.

Manager = former sur le poste de travail

Il s’agit d’un élément essentiel du management Lean. Le rôle du manager y est d’aider ses collaborateurs à maitriser parfaitement le geste et à développer leurs compétences. Nous ne sommes pas ici sur le sujet démagogue des “formations” prêtes à consommer par les collaborateurs, formations qui ne seront mises en oeuvre dans le meilleur des cas que plusieurs semaines après avoir été suivies.

On parle y d’un geste précis, sur le poste de travail. Comme l’explique mon éminent collègue Christian Ignace, à geste de qualité, pièce de qualité et formation de qualité. Ce geste va permettre à la personne de mieux travailler, d’être plus efficace et d’en tirer une plus grande satisfaction alors que les obstacles l’empêchant de réussir sont évacués.

Gaspillages et obstacles au geste

On se méprend souvent sur les intentions du Lean lorsqu’il s’agit de supprimer les gaspillages. Dans la vision Lean, les gaspillages sont les obstacles qui empêchent la personne créant de la valeur pour le client de faire le geste parfait. Le lean a alors pour objectif de 1/montrer ces gaspillages au collaborateur 2/ lui laisser voir comment ceux-ci l’empêchent de réussir le geste 3/ lui demander quelle contre-mesure il peut tester pour supprimer ces gaspillages 4/ lui faire tester ces contre-mesures 5/ le faire réfléchir aux enseignements tirés de cette expérience : i.e comment a-t-il appris à modifier son geste.

Une exemple que je donne souvent est celui de la mayonnaise. Simone, ma regrettée grand-mère, réalisait en 2 mns chrono une mayonnaise délicieuse : onctueuse, douce et goûteuse. De mon côté, je mettais 10 minutes et utilisait 3 fois plus d’ingrédients qu’elle pour produire une substance douteuse et incohérente que l’on essayait même pas de goûter. C’est parce que le geste n’était pas le bon. Je ne faisais pas le mélange au bon moment, je ne remuais pas à la bonne vitesse etc … Résultats : gaspillage d’ingrédients, perte de temps, le tout pour un résultat médiocre. Je n’ai malheureusement eu alors ni la patience ni les prédispositions culinaires nécessaires pour apprendre le geste parfait et je le regrette vivement.

Bien-être au travail et développement des compétences

Il y a beaucoup de discussions autour du bien-être au travail. On y retrouve souvent des postures morales, des assertions démagogues mais bien peu de choses étayées par des études sérieuses.

Ce point de vue, éminemment lean, bien peu démagogue, à la vertu maintes fois vérifiée par votre serviteur y est malheureusement très peu évoqué : le bien-être au travail passe par la perfection du geste et la possibilité de développer ses compétences pour l’apprendre.

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  1. Et c’est dans ce contexte qu’intervient l’expérimentation, la tolérance aux erreurs, une double boucle d’apprentissage.

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