Voir la performance pour sortir du monde de l’opinion

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Dans le lean, notre sujet c’est la performance opérationnelle. Nous ne la quittons pas des yeux. Non pas parce que nous sommes des autistes sans cœur, des Sheldon Cooper obsédés par les chiffres et insensibles aux personnes avec lesquelles nous travaillons : c’est évidemment un peu plus subtil que cela.

La performance permet de donner un regard objectivé sur l’évolution d’une situation et de rendre tangibles les apprentissages réalisés par l’équipe. En clarifiant les conditions de réussite et en rendant visibles les apprentissages, la performance est un pilier essentiel du respect des collaborateurs. Si vous doutez de cette assertion bien peu démagogue et contre-intuitive, je vous invite à regarder le résultat d’études sérieuses sur le bien-être au travail ici et .

Le suivi de la performance présente aussi un effet de bord vertueux : il offre l’opportunité de sortir du monde indémerdable de l’opinion et des analyses psychologiques (oui mais Kimberley a dit ceci parce que Peggy Sue a dit à Carrie-Ann qu’elle pensait cela …), analyses dans lesquelles nous aimons à nous complaire durant des heures de réunion de « conduite du changement ». Comme arbitrait le vénérable Deming : « In God we trust, all others must bring data ».

Le Lean apporte un éclairage sans ambigüité sur l’efficacité d’une équipe à travers sa performance opérationnelle : la perception de ses clients, les obstacles qui l’empêchent de réussir, ses potentiels d’amélioration et, objectif essentiel, ses apprentissages que la performance valide. Un peu comme la méditation, le Lean permet de simplifier le champ d’attention et de sortir des miroitements du réel. J’ai encore eu l’occasion de constater son admirable puissance lors d’une session de coaching cette semaine, session qu’il me tarde de vous raconter …

Beyoncé and the psychological endless loop

Il y a là Beyoncé* qui est la chef de projet Lean. Beyoncé accompagne Rihanna*, jeune manager, dans sa mise en œuvre du Lean. Nous arrivons au terme du projet de lancement de la démarche dans l’équipe de Rihanna. Cette dernière est ennuyée : au terme de ces trois mois, elle constate que son équipe n’est pas « engagée ». Ses collaboratrices ne voient pas l’intérêt de la démarche, ce que cela leur apporte. Elles ne voient pas non plus les bénéfices de l’approche. Rihanna démarre avec Beyoncé la longue litanie de ce que l’équipe lui rapporte. La discussion tourne en endless loop (boucle infinie comme disent les informaticiens).

J’accompagne Jay-Z* qui est le coach de Beyoncé. Le but de Jay-Z est d’aider Beyoncé afin qu’elle devienne autonome dans l’accompagnement Lean d’équipes et de managers. Il s’agit seulement du second projet de Jay-Z en tant que coach Lean, il n’a pas encore les bons réflexes. Je l’observe et j’attends de voir sa réaction. Au bout de dix minutes il entre lui aussi dans la conversation par le même bout : l’approche psychologique.

*(Note : les noms des intervenants et la nature de leur activité ont été modifiés)

Quelle est la performance ?

Au bout de 20 minutes, j’interromps la conversation et pose LA question que l’on doit se poser : comment est la performance de l’équipe ? A-t-elle évolué ? En bien ? En mal ? Que s’est-il passé ? Beyoncé me dit qu’elle a les chiffres et qu’ils ne sont pas mauvais. Je lui demande alors de me lister un à un les indicateurs de performance que l’équipe a choisis ainsi que leurs valeurs au début et à la fin de cette phase de lancement.

Il y a deux activités dans l’équipe de Rihanna : production / enregistrement de chansons et chorégraphie / clip des chansons enregistrées. Pour l’activité production, 4 indicateurs sur 5 se sont améliorés de façon significative. Dont 3 (stocks de chansons non livrées au client) avec une réduction de 67 %. Comme d’habitude en Lean, on ne parle pas d’améliorations marginales mais d’améliorations radicales. Sur l’activité chorégraphie et clips même chose : le stock de chansons chorégraphiées pas encore clipées a réduit de 34 %. Last but not least : la satisfaction des clients est passée de 5/10 à 9/10.

Voir la réussite

Sur une feuille A4 je présente donc la synthèse de l’évolution des indicateurs pour chacune des 2 activités : 4 verts et 1 rouge. Et une satisfaction client qui a quasiment doublée. Je montre cela en insistant sur l’amélioration remarquable réalisée par l’équipe. « Wow mais c’est génial ! » je m’exclame, comme à mon habitude lorsque la performance évolue de façon positive, ce qui est fréquent. Je vois le visage de Rihanna qui s’illumine. Je lui demande : « Et bien alors Rihanna, que s’est-il passé ? Qu’a donc fait l’équipe pour obtenir de tels résultats ? Leur a-t-on seulement montré ces résultats ? ».

La conversation change alors complètement de nature. Après avoir admis qu’elles n’ont pas présenté le projet sous cet angle à l’équipe, Rihanna et Beyoncé se rappellent alors les différentes actions menées par l’équipe. Et elles les relient à la performance qui a évolué et aux apprentissages développés. Je demande alors à Rihanna si les remarques des personnes de l’équipe remettant en cause l’approche lui semblent toujours aussi fondées. “Non” reconnait-elle. Ce ne sont que des points de vue et des hypothèses, que les résultats de leur travail tendent à infirmer. Nous avons brisé la boucle infinie.

Réussir pour engager

Une des stratégies des initiatives de « conduite du changement » est d’engager les personnes pour réussir. Comme le rappelle l’incontournable Michael Ballé, la stratégie du Lean est opposée : on va 1/réussir pour 2/engager les équipes. Après que Beyoncé et Rihanna sont parties présenter cette synthèse de résultats à l’équipe, Jay-Z se lève et met à arpenter la pièce en tirant les enseignements de cette session : “Punaise ! Je me suis laissé prendre et je ne l’ai pas vu !” s’exclame-t-il ombrageux. “Le focus sur la performance nous a permis de sortir du monde de l’opinion et d’entrer enfin dans une discussion positive et constructive. Ni Beyoncé ni moi n’avons su voir la réussite ou la présenter de façon claire et sans ambigüité, à Rihanna. Et encore moins à l’équipe. “

Même épiphanie pour l’équipe : après qu’on lui a présenté ces résultats, celle-ci a étrangement changé de posture. Les collaboratrices (danseuses, choristes et musiciennes*) ont ainsi pu présenter fièrement à leur sponsor Quincy Jones* les actions mises en place et leurs apprentissages validés. Des apprentissages que l’évolution positive de la performance opérationnelle a validés. La simplicité et la puissance du Lean en action. Dee groovy !

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