Le livre de Michel Sailly permet d’explorer des voies possibles, d’imaginer et d’expérimenter des solutions, pour dépasser les raccourcis, les fausses représentations et les constats souvent négatifs sur les applications du lean dans les entreprises en France (…) Ce livre s’adresse plus largement à toutes celles et ceux pour qui l’organisation du travail est un objet de dialogue pour construire un dialogue social rénové, fructueux et fécond. (…) Transformer des entreprises trop référencées, trop cadrées, en entreprises mieux équilibrées entre les clients, les dirigeants, les salariés et la société, en faisant appel à l’intelligence individuelle et collective : voilà un programme d’action réellement enthousiasmant.
Cette citation du secrétaire général de la CFDT est extraite de la préface de l’ouvrage de Michel Sailly : Démocratiser le travail – Un nouveau regard du le Lean Management.
Enfin ! Serait-on tenté de s’exclamer. Enfin, avec Michel Sailly, ergonome, un acteur terrain d’un syndicat majeur français sort de l’ornière caricaturale pour porter un regard beaucoup plus rigoureux et documenté sur ce mode du management.
Système Lean et Modèle Toyota
L’ouvrage n’apporte que peu d’éléments nouveaux aux personnes qui connaissent le sujet et ont bossé leurs classiques. Le livre s’appuie ainsi considérablement sur deux ouvrages fondateurs du mouvement : Système Lean de Womack & Jones et Le Modèle Toyota de Liker, ouvrages qu’il développe et auxquels il ajoute des réflexions personnelles, dont on pourra discuter la valeur, d’autant qu’elles ne sont étayées par aucun exemple terrain. Ce qui est embarrassant pour un ouvrage qui vante les vertus du terrain et de la pratique.
Technostructure
Par ailleurs, le style de Sailly passera très bien auprès de nos chercheurs.fr : parfois inutilement abscon et alambiqué. On y parle ainsi de “technostructure”, de “lean philosophique” ou “d’édicter de nouveaux modes de management”. J’imagine que cela donnera de la crédibilité à l’ouvrage auprès de nos cadres administratifs. Tout comme la multitude de références telle que la notion de “entreprise apprenante” de Peter Senge ou de “Entreprise Libérée” de Getz et Carney, références qui ne font que complexifier quelque chose qui n’en n’a pas besoin.
Nous sommes bien loin de la simplicité des chercheurs anglo-saxons pour lesquels l’enjeu n’est pas d’impressionner avec des concepts complexes ou une culture universelle mais plutôt de raffiner encore et encore la pensée pour la rendre la plus claire possible, la lier avec des exemples terrain très précis, tout cela dans le but transmettre des idées.
On regrettera aussi que le lean ne soit pas ici présenté comme une stratégie pour conserver l’emploi dans notre pays, comme nous le rappelait le vénérable Alain Coupeté.
Un nouvel espace de concertation
Ne boudons cependant pas notre plaisir : un ouvrage documenté, d’un syndicaliste qui connait le terrain et qui semble avoir intégré un certain nombre des éléments structurants du lean. Voilà que s’ouvrent de nouvelles perspectives pour nos entreprises, pour remettre le client au coeur de ses objectifs (le pourquoi) et redonner un rôle majeur aux salariés dans la création de valeur, au delà de la pure exécution écervelée qui leur impose l’organisation Tayloriste.
Voilà aussi que s’ouvre un nouvel espace de concertation avec les partenaires sociaux autour de nouvelles méthodes plus agiles et moins “cadrées” ou “référencées” pour reprendre les qualificatifs de Laurent Berger. Le lean va enfin pouvoir être abordé au niveau politique, au delà de la pure diabolisation. Et en cela, ce livre revêt une valeur inestimable.