“Avoir la peau fine, le regard perçant, et la langue bien pendue, disait-il c’est ressentir trop vivement, voir trop clairement, et parler trop librement. C’est être vulnérable au monde alors que le monde est invulnérable, c’est comprendre son aspect changeant alors qu’il se croit immuable, c’est sentir avant les autres ce qui va se produire, c’est comprendre que l’avenir barbare est en train d’arracher les portes du présent tandis que d’autres se cramponnent au passé vide et décadent.”
J’ai déjà écrit ici sur mon admiration pour Salman Rushdie.
Ce passage de son roman Deux ans, huit mois et vingt-huit nuit m’a sidéré. S’il a longuement résonné en moi c’est parce que j’ai ce sentiment que nous, acteur du changement, avons cette peau fine, ce regard perçant, cette langue bien pendue et cette capacité à ressentir top vivement ce monde qui se croit immuable.
En page 60, l’auteur prolonge la métaphore en comparant à des canaris que l’on met dans les mines de charbon pour avertir des fuites de gaz. Il ‘agit d’une image qui m’avait là encore traversée l’esprit sur notre métier. Cette capacité à ressentir avant les autres ce qui va se produire nous permet aussi d’anticiper les événements, cet avenir barbare qui est en train d’arracher les portes du présent. C’est enfin essayer de le montrer aux autres qui se cramponnent au passé vide et décadent.
Un ouvrage encore une fois prodigieux et multiple, traversé d’humour, d’imagination de culture et de ces éclairs qui nous laissent pantois, avec un tel sentiment de gratitude.
(photo empruntée au blog Les Sadiq)
Cool j’adore bravo