Dans cette présentation donnée lors de l’USI 2010, Leo Apotheker nous donne sa vision de la DSI de demain. Une présentation dans laquelle l’ex CEO de SAP et de HP s’exprime librement (il vient de quitter SAP et n’a pas encore rejoint HP) dans un français parfait et un peu roublard.
Partant du contexte économique global et des innovations technologiques considérables dont il est le témoin, il décline plusieurs directions possibles pour les DSI mais aussi les éditeurs de logiciel …
Les défis du XXième siècle
L’ancien CEO de SAP voit dans le contexte actuel cinq défis majeurs. L’avènement des économies émergentes (“Comment parler de pays émergent pour qualifier la Chine qui incarne une culture vieille de 5000 ans ?”), le partage d’information grâce au web collaboratif, le nouveau contrat social (“Personne ne s’engage plus dans une entreprise pour toute sa vie”), les défis liés à l’environnement (“En plus de laisser à la nouvelle génération des dettes considérables, nous laissons une planète dans un mauvais état”) et enfin les révolutions technologiques majeures.
C’est une époque de ruptures profondes.
La Révolution de l’authentique Temps-Réel
S’il constate des innovations de rupture dans le logiciel ou encore les télécoms, le natif de Aachen (Allemagne) place au premier rang des innovations de ces dernières années le secteur du hardware et plus particulièrement les capacités des mémoires vives. Il raconte ainsi (en 2010) qu’il a vu fonctionner des mémoires de 1 TB, et qu’il est confiant en lamise sur le marché prochaine de mémoires vives de 2 TB, chiffre qu’il met en perspective avec la base de données du plus gros client SAP (7 TB).
Ses conclusions sont radicales. Si nous sommes capables d’avoir autant de données en mémoire, nous allons passer au véritable Temps-Réel, avec des temps de réponse sans aucune mesure avec celle que nous avons aujourd’hui avec les bases de données relationnelles. Les logiciels existants deviendront obsolètes, il sera nécessaire de le réécrire (ce qui sera plus rapide car 40% des lignes de code existantes sont liées aux problématiques des SGDBR) pour bénéficier à plein de la formidable opportunité qui se présente.
Everything runs from memory in Web 2.0
La donnée non structurée sera de plus en plus importante dans les SI (vision que partage Ludovic Cinquin dans sa présentation de l’USI 2012) car à l’image de Twitter (qui maintient l’ensemble de ses données en mémoire – la base de données n’étant qu’un back-up) il y a une corrélation importante entre la gestion des données sur disques et les données structurées et, d’une manière symétrique, la capacité de gérer des données en mémoire et la capacité de gérer des données non ou faiblement structurées.
De nouveaux acteurs portant de nouvelles innovations vont apparaître. De nouveaux usages, aussi, apparaitront. Ils permettront de gérer au plus près la réalité des données existantes pour réagir aussitôt plutôt que de faire des prédictions médiocres et adapter nos stratégies à des chimères.
La bonne nouvelle est que si on pensait que le SI était critique aujourd’hui, il le sera d’autant plus lors de l’avènement du SI temps-réel. La mauvaise nouvelle est que les CEO peuvent se demander s’ils vont confier cette direction si importante à des informaticiens. Dans ce contexte ce gourou du logiciel d’entreprise se demande le plus simplement du monde s’il existera toujours des éditeurs de logiciel dans 10 ans.
Le tourbillon et la collaboration
Au delà de ces premières déclinaisons, Apotheker constate une accélération étourdissante des cycles. Avoir une bonne solution ne suffit plus car tout se qui peut être copié l’est à une vitesse prodigieuse. Il est donc nécessaire pour la survie de l’entreprise de trouver de nouvelles sources de création de valeurs. Dans ce tourbillon, le rôle du CEO est de réinventer en permanence le Business Model de son organisation. Et cela est impossible sans le SI.
Au nivau de l’organisation, tous les processus de back-office qui pouvaient être automatisés l’ont été. Ces processus standardisables peuvent même aujourd’hui être sous-traité (notion de Business Process Outsourcing – BPO). Un gisement de valeur important qui demeure aujourd’hui mal exploité est celui de la collaboration, en particulier entre l’entreprise et ses fournisseurs : c’est le modèle du social software.
Le canard sur le lac : de l’informatique à l’information
Avec l’avènement de la donnée temps-réel et le fait qu’en plus des personnes, les machines se connectent à internent (internet des objets), nous courons le risque d’être submergé par un niveau toujours plus important de données. La vision d’Apotheker est qu’un SI doit être comme un canard : au dessus du niveau de l’eau c’est calme et lisse mais en dessous, il y a une activité effrénée que l’on ne peut pas deviner de l’extérieur.
L’idée est ici que l’informatique doit être suffisamment intelligente pour pré-traiter les données et n’exposer que le juste nécessaire à l’utilisateur. Nous avons besoin de solutions qui servent à quelque chose et qui ne sont pas seulement là pour ravir les technologues. Vision corroborée par le retour de Bertand Duperrin sur le Forrester CIO Summit. Nous passons ainsi de l’informatique à l’information. C’est une image que l’on retrouve chez Peter Drucker et qui sert de conclusion à la présentation que j’ai donnée au Social Business Forum de Milan.
Valeur ajoutée et vision
Durant cette session, Apotheker enjoint les DSIs à prendre des risques, à se concentrer plus sur la valeur ajoutée que sur le rapport coût / chiffre d’affaires. Ce qui lui attirera quelques questions un peu piquantes (Comment mesurer la valeur ajoutée lorsque l’obsession par les coûts a été instillée par vos logiciels), question qu’il juge de bonne guerre.
Sa réponse est que cette question se posait il y a 10 ou 15 ans lorsque les processus back-office n’avaient pas encore été automatisés (une autre question lui rappellera que si ces systèmes ont été conçus il y a 10 ou 15 ans, des entreprises continuent encore l’effort de mise en oeuvre aujourd’hui).
Sa vision de la valeur ajoutée des SI se joue à plusieurs niveaux. D’abord celui du support de la collaboration. Ensuite, et principalement, à celui du système temps-réel capable d’agréger un grand nombre d’informations pour donner les éléments nécessaires à la prise de décision juste à temps.
Si l’on regarde ce qui s’est passé à SAP ou HP on peut se dire que cette vision a été plus ou moins mise en oeuvre. SAP a ainsi développé avec HANA un système de données en mémoire extrêmement performant alors que HP a fait l’acquisition avec Autonomy Corporation d’une technologie de Knowledge Management capable d’exploiter de la donnée non structurée et d’alimenter en information pertinentes les prises de décisions.
A voir comment ces technologies seront mises en eouvre dans les prochaines années …
Une excellente présentation, hautement recommandée (lien).
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