(Photo : Mark Richards)
Lorsque apparait une innovation, il y a toujours deux étapes. La première consiste à intégrer cette innovation en travaillant comme avant. La
seconde consiste à faire évoluer les méthodes de travail. Ainsi, de nouvelles compétences se développent et le rôle de l’être humain peut se transformer (Serge Soudoplatoff)
Durant les années 2000, les entreprises ont mis à profit la technologie internet pour optimiser la dimension opérationnelle des organisations. C’est ainsi que les systèmes d’entreprise organisés autour de processus rationalisés et de données structurées ont émergés et été mis en oeuvre : ERP, CRM, PLM, SCM, KM …
Le résultat est que les organisations telles que nous les connaissions, hiérarchiques et en silos, ont été rationalisées et optimisées : c’est le temps de l’efficacité opérationnelle. Nous avons utilisé ces nouvelles technologies pour travailler plus efficacement et plus rapidement. Mais comme avant.
Durant les années 2010, les organisations vont utiliser un second levier d’internet : son aptitude à créer de la valeur dans l’économie de la connaissance en exploitant ses réseaux.
Pour atteindre cet objectif et bénéficier du véritable levier qu’offrent ces technologies disruptives importées d’internet (les plateformes collaboratives) une mutation est nécessaire : passer de l’entreprise en silos à l’entreprise en réseaux …
Quelle valeur ?
Les deux sujets qu’évitent soigneusement les détracteurs d’internet sont donc Wikipedia et le logiciel libre. La raison : ils sont la preuve irréfutable que des projets complexes apportant une plus value considérable dans l’économie de la connaissance peuvent être menés à bien par des équipes distribuées, bénévoles, hyper-motivées, avec une hiérarchie minimale et une structure réticulaire.
Avec respectivement 500M et 100M d’utilisateurs, on est en droit d’imaginer que Facebook et Twitter n’incarnent pas seulement une mode technophile web 2.0. Goldman & Sachs ne s’y est pas trompé en estimant les premiers à 50 Milliards de dollars US alors que les seconds sont estimés à 3 Milliards.
Si ces applications sociales ont autant de succès c’est parce qu’elles offrent de la valeur en répondant à un besoin fort des des utilisateurs : centraliser en un endroit les flots d’information publiés par des personnes avec lesquelles on partage un certain nombre d’affinités.
Leur adoption a été massive parce que ces outils répondent à ce problème avec un minimum de friction technologique : c’est simple et facile d’utilisation. Nous sommes entrés dans l’an 1 de a simplicité : l’ergonomie n’est plus un luxe qu’offre les entreprise mais une question de survie des solutions logicielles proposées par les éditeurs et fournisseurs de service.
Services et Plateforme
Cette facilité d’utilisation a été propagée aux interfaces de développements (les fameuses APIs) : il est très facile, de l’extérieur, d’utiliser ces APIs pour développer de nouveaux services. Facebook est ainsi devenue une plateforme dès Juin 2007 ce qui l’a complètement démarquée de sa rivale d’alors Myspace. L’intégration de tous ces services publics est d’une simplicité confondante.
Cette notion de plateforme de services permet en outre de déléguer le développement de nouveaux services innovants à d’autres individus ou organisations, tout en fournissant un canevas encadré et en bénéficiant de l’écosystème ainsi créé. Une stratégie partagée par Apple avec l’AppStore avec, là encore, un succès phénoménal.
Hypertextuel
Dans l’économie réelle, un bien a d’autant moins de valeur qu’il est partagé par un grand nombre. Dans l’économie de la connaissance c’est l’inverse. Plus une information, une image, une musique, un document sera partagé et plus il aura de la valeur (Serge Soudoplatoff)
Dans l’économie réelle, l’agent de fluidification qui permet les échanges est l’argent. L’accumulation d’argent octroie du pouvoir. Dans l’économie de la connaissance ce rôle est assuré par le lien hypertextuel. L’accumulation de liens octroie de l’influence (notion de sociométrie chère au philosophe Alexandre Bard).
Le motif principal du succès de Twitter : sa capacité à agréger et à partager ces liens en un clic. En un clic et 3 secondes, je peux partager une information avec tous mes followers.
En termes de confort d’utilisation, de rapidité d’exécution, de fluidité, de productivité et donc de valeur ajoutée, c’est tout simplement admirable.
Problèmes de l’entreprise en silos
Dans l’entreprise en silos les managers passent 20% de leur temps à chercher des informations et la moitié des informations retournées n’a pas de valeur (etude Accenture sur 1000 managers).
Seulement 44% des employés trouvent ce qu’ils cherchent sur leur intranet.
L’employé moyen d’Intel passe une journée par semaine à chercher de l’information ou de l’expertise (Laurie Buczek, responsable du projet Social Networks à Intel – 2008).
Entre le quart et la moitié des travailleurs de la connaissance sont engagés dans une collaboration tacite (i.e une information qui n’est pas capturée dans les systèmes d’information et donc, non recherchable).
En d’autres termes, le travailleur de la connaissance doit travailler à partir d’une matière première (l’information) qui est pour partie insaisissable.
De l’entreprise en silos à l’entreprise en réseaux
Avec Google on trouve une information pertinente en 600ms. Dans 86% de cas on y trouve ce qu’on y cherche.
Avec Twitter je peux localiser et solliciter les meilleurs experts sur un sujet donné en quelques heures.
Voilà la cible de l’entreprise en réseaux. Celle-ci a intégrée les postulats de l’économie de la connaissance. Sa structure en réseaux lui permet une immersion naturelle dans l’économie de la connaissance elle aussi articulée autour de réseaux. Cette entreprise 2.0 présente de nombreuses propriétés : elle est fluide et interconnectée, transparente, collaborative, encourage une dynamique de la subsidiarité, fonctionne sur des principes simples et clairs, appliqués par une direction accessible et soucieuse d’exemplarité.
#hypertextual entame avec cet article une série proposant des actions concrètes pour transformer la structure interne de votre entreprise. Dans le prochain : l’adoption de principes plutôt que de valeurs.
l’adoption de principes plutôt que de valeurs.
The only thing that works in/for/with a networked org’n in a sustainable way, IMO
Salut Cecil.
Je me suis souvent pose la question de savoir comment des inconnus travaillant a des milliers de kilometres de distances pouvaient assembler des produits complexes, alors que dans une entreprise, avec les employés a quelques metres c’est souvent bien moins productif — le réseau est inefficace et la collaboration inexistence.
J’ai longtemps cru que le manque d’outils adaptes étais le problème (ex.: outil collaboratifs, wikis), mais finalement je me suis rendu compte que le problème étais human: les employés n’ont souvent aucun intérêt et aucune motivation a collaborer plus efficacement.
La culture de l’entreprise y est pour beaucoup. Le management est souvent très malhabile pour motiver ses troubles, qui finissent par considérer leur emploi comme un simple job. Pourquoi en faire plus? Je ne les blâment pas.
C’est aussi pour ca que les startups sont aussi efficaces, la motivation est le moteur de l’organisation.
Ce point précis est à mon sens la noblesse du management : maintenir dans de grandes organisations un niveau de motivation équivalent à celui des start-ups. Plusieurs grandes entreprises y sont parvenues avec (Cisco, Google, IBM dans certaines divisions) ou sans (WLGore, Semmler, FAVI en france) ces outils collaboratifs.
Le défi est excitant. On dispose de pistes (les travaux de Dan Pink), d’outils avec les réseaux sociaux, de théorie (Mc Gregor, Argyris, Hamel, Drucker). Ne reste que de la volonté, du courage et de la ténacité pour mettre tout cela en oeuvre.
HI Jon, thanks for your comment. I definitely believe this. Watch out for the next post. I’ll make an english translation of those.
Je partage vos vues Cecil. Inutile de dire que ce que vous dites en terme de travail en réseau s’applique tout aussi bien hors de l’entreprise dans des structure de type différent… comme des écoles. Mais les résistances s’avèrent peut-être plus difficiles à vaincre, car les missions et les attentes, réelles ou fantasmées, sont différentes aussi. On attend à priori de l’entreprise qu’elle soit efficace, id est, qu’elle soit profitable, et qu’elle implémente des solutions à même d’améliorer sa productivité. Et il sera plus facile pour elle d’évaluer cette dernière que dans un domaine éducatif qui se fixe à tort ou à raison des objectifs plus variés et moins “évaluables”.
Pourtant, je reste persuadé que des similitudes organisationnelles existent et que l’école a de quoi s’inspirer de “l’entreprise 2.0”.
C’est l’entreprise qui la première s’est saisie des potentialités du Web et des usages qui y sont liés. C’est d’ailleurs une résistance de plus qui risque de naître de cette réalité, car ce qui vient de l’entreprise a souvent l’odeur du souffre en France.
Le paradoxe réside pourtant dans le fait que l’école a beaucoup plus à tirer et espérer de ce que vous décrivez que l’entreprise. Car cette dernière se heurtera toujours au problème de la concurrence qui, par crainte de voir s’échapper les profits au détriment des autres, constituera un frein à l’échange et au partage des informations, pratiques et expériences. Les écoles n’ont quant à elle rien à craindre de ce partage qui ne peut théoriquement que profiter à la formation de tous. Mais tout le monde n’en est pourtant pas encore convaincu…
Bonjour Trémeur,
Merci pour votre commentaire. J’ai beaucoup pensé à solution de continuité ces derniers jours car j’ai lu “On achève bien les Ecoliers” un essai formidable de Peter Gumbel qui a un regard très sévère envers l’enseignement français. Je reviendrai sur cet ouvrage dans #hypertextual pour essayer d’identifier les sources des comportements spécifiques des français en entreprise. Une lecture fortement recommandée.
La mise en oeuvre des outils importés d’internet pour la formation est un challenge passionnant. Il y a de nombreux blogs sur ce sujet “formation 2.0”.
Je n’ose imaginer les réticences au changement que cette mise en oeuvre suscite dans l’éducation nationale. Bon courage !
Oui Peter a fait un bon livre, utile, car il a suscité le débat, d’autant qu’il jouait sur l’avantage que lui confère l’oeil décalé. Tant parce qu’il est journaliste, et non réputé expert de l’éducation, qu’anglais. tout cela fut très sain. Nous avons écrit sur son ouvrage et il est d’ailleurs intervenu sur le blog.
https://solution2continuite.wordpress.com/2010/09/05/the-feet-in-the-plate/
Nous communiquons depuis via son site sur FB. C’est loin d’être inintéressant.
Tiens à ce propos, vous devriez jeter un coup d’oeil à cela.
http://www.oecd.org/document/12/0,3746,fr_2649_201185_46847884_1_1_1_1,00.html
Voilà des propos modernes, et enthousiasmants, qui rejoignent parfaitement ce à quoi nous croyons à Solution de Continuité. Or cela vient de l’OCDE. Les choses se mettent en place, et c’est passionnant à observer.
Bonjour,
Votre comparaison entre l’entreprise et l’école illustre bien ce que M. Soudoplatoff mentionne : “Dans l’économie réelle, un bien a d’autant moins de valeur qu’il est partagé par un grand nombre. Dans l’économie de la connaissance c’est l’inverse.”
À savoir que l’entreprise est confrontée à l’économie réelle et que l’école est dans l’économie du savoir. Intéressant votre commentaire.