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Parmi les activistes Entreprise 2.0, il y a deux familles : les révolutionnaires et les évolutionnaires.
Pour les premiers, il ne fait aucun doute que les plateformes collaboratives émergentes sont des outils révolutionnaires et que leur intégration au sein des entreprises va avoir des conséquences spectaculaires sur l’organisation de ces dernières.
Pour les seconds, ces outils doivent s’intégrer aux processus existants car, révolutionnaires ou pas, l’objectif de ces outils est d’apporter quelque chose de quantifiable à l’entreprise.
Les premiers ont parfois tendance à être transportés par une certaine ferveur pouvant devenir embarrassante, et sont parfois taxés par les seconds d’utopisme, d’angélisme ou de niaiserie.
#hypertextual se situe plutôt parmi les premiers et souhaite avec ce billet devenir raisonnable et exiger (ce que d’aucuns identifient à) l’impossible …
Entreprise 2.0 Vs les Bisounours
Ce billet est inspiré par deux articles. Le premier est la contribution (par ailleurs remarquable) de Vincent Berthelot au livre blanc Entreprise 2.0 – le chapitre Relations Sociales :
L‟entreprise 2.0 est, on le sait, un peu victime d’une vision rose voire bisounours de l’entreprise, la vision d’une entreprise où tout le monde collabore, communique, travaille, innove pour une performance collective forcément meilleure.
Le second est celui de Bertrand Duperrin : Enterprise 2.0 : la valeur ou le déni
Le microcosme 2.0 se complait dans une forme d’angélisme fondé sur une sorte de “flower power management” qui aurait été de bon teint dans les années 70. Tout doit n’être qu’engagement volontaire, passion, démonstration, engouement. Le process c’est le vieux monde et c’est sale.
Il s’agit là de perspectives de consultants qui sont dans l’action, au plus près des directions d’entreprise pour les accompagner dans la mise en oeuvre de ces nouveaux outils numériques au sein de leur organisation. Lorsque l’on sait combien l’entreprise.fr est particulièrement conservatrice et rétive aux changements structurels, on comprend combien il leur est nécessaire à tous les deux d’être extrêmement pragmatiques.
Rester crédible en délestant leurs discours de la guimauve marketing qui peut imbiber celui de consultants peu scrupuleux est une chose. Se débarrasser d’un revers de main des principes et de la culture implicite de ces outils en est une autre.
Start with the end in mind …
… nous invite Stephen Covey dans 7 Habits of Highly Successful People. Et the end in mind dans notre cas c’est le modèle internet.
Avec Wikipedia et le logiciel libre, internet à démontré à la plus grande échelle de collaboration de l’histoire humaine la formidable aptitude des plateformes collaboratives émergentes (blogs, wiki, forums, réseaux sociaux) à créer de la valeur à partir de flux d’informations et à spontanément s’organiser pour coordonner des activités collaboratives à partir de multiples contributions dispersées et non hiérarchisées.
Gary Hamel (le most influential business thinker selon le Wall Street Journal – pas exactement un repaire de vieux beatniks illuminés) dans son essai The Future of Management y voit là le modèle de l’entreprise de demain.
Toutes ces nouvelles plateformes numériques constituent la boite à outil du management du 21ème siècle. Dans leur double fond, elles importent une culture et des principes depuis internet au sein de l’entreprise : conversation, agilité, simplicité, transparence et confiance plutôt que diffusion, bureaucratie, complexité, sécurité, et contrôle. Non pas que les secondes valeurs soient à proscrire mais elles ne déterminent plus le comportement par défaut : ce sont les premières qui le font.
Quels problèmes sommes nous en train de régler ?
Dans son article, Bertrand identifie l’angélisme du microcosme 2.0 comme motif principal au fait que rien n’a changé car selon Bertrand cet angélisme refuse de se confronter à la réalité de l’entreprise, la tuyauterie de son fonctionnement qu’il ramène pour grande part à ses processus.
Contrairement à ce qu’avance Bertrand dans son article, je suis persuadé que les choses ont avancé cette année. Pour symbole : le S Word n’est plus banni : on parle de plus en plus de Social Software et de Social Business surtout depuis la dernière E20 conférence à Santa Clara.
Par ailleurs je ne suis pas du tout persuadé que les processus soient solubles tels quels dans l’entreprise 2.0 mais c’est un vaste sujet traité dans un autre billet.
Cela ne veut pas dire que nous ne devons investir les yeux fermés dans des solutions de réseaux sociaux d’entreprise (RSE) sans réfléchir au retour qu’on en attend. Mais pour cela, il faut savoir quel est le problème que l’on veut résoudre : là est de mon point de vue la réalité à laquelle se confronter. Il s’agit du point de départ et, accessoirement, d’un excellent test de la validité de notre discours.
Capturer le savoir tacite, favoriser l’innovation, contribuer à la motivation et au sentiment d’appartenance des employés, raccourcir la feedback loop des clients ou des fournisseurs, limiter le nombre de réunions inutiles et chronophage, débarrasser les employés d’outils inappropriés et inutilisables imposés par la gouvernance SI, etc …, : ces problèmes ne manquent pas.
Dans cette perspective, les RSE peuvent grandement contribuer à la productivité de l’organisation et à aider tout le monde à mieux faire son travail. Là où je rejoins Bertrand est qu’il est de la responsabilité du microcosme 2.0 de se confronter à cette réalité et de proposer des méthodes de mesure et de suivi de l’impact des outils au sein de l’organisation. A ce titre, son article dédié au ROI dans le Livre Blanc Entreprise 2.0 est particulièrement éclairant.
La suspicion de l’Engagement
All organizations say routinely ‘People are our greatest asset’. Yet few practise what they preach, let alone truly believe it. (Peter Drucker)
Au coeur de la pensée Entreprise 2.0 se trouve l’employé et la notion d’engagement (dans le sens d’implication).
Cette notion a beaucoup de mal à passer dans notre culture où l’entreprise est diabolisée et le travail est vécu comme une corvée que l’on subit. Du coup on comprend mieux les réticences de Vincent ou Bertrand à adhérer à cette partie du logiciel 2.0 telle que décrite par Ethan Yarbrough sur le blog AIIM par exemple.
Pourtant, il s’agit d’un élément essentiel. Towers Perrin a publié les résultats d’un questionnaire mondial duquel il ressort que seulement 20% des employés sont impliqués dans leur travail et que, sur 3 ans, l’évolution moyenne de la marge opérationnelle entre une entreprise avec des employés plutôt impliqués est de+3,74% lorsque celle d’une entreprise avec des employés moins impliqués est de -2%.
En d’autres termes : libérez vos employés et les résultats de l’entreprise suivront.
Un exemple éclatant : HCL (SSII) indienne de Vineet Nayar qui révolutionne la culture de l’entreprise à son arrivée en 2005 avec un motto répété inlassablement : Employee first, customers second. La raison : en s’accomplissant l’employé offre toute son potentiel et crée de la valeur pour le client. Pour des résultats remarquables et une entreprise élue meilleure employeur en Asie par Hewitt Associates.
Talk about the revolution
Les réseaux sociaux proposent une révolution sociale bien plus que technologique. Comme le dit Clay Shirky :
Revolution doesn’t happen when society adopt new technologies, it happens when society adopts new behaviors
Il ne s’agit pas d’utopie : cela c’est produit sur internet bien sûr mais aussi dans de nombreuses entreprises : Whole Foods Market , WLGore, Google, FAVIou Lippi( en France), HCL de Vineet Nayar (en Inde) ou Semco de Ricardo Semler (Brésil).
L’objectif n’est pas de transformer l’entreprise en un monde de Bisounours un peu tarte mais de donner aux travailleurs de la connaissance des outils et des méthodes de travail qui leur permettent de mieux travailler et de faire d’avantage sens de leur contribution pour être plus productifs individuellement et collectivement. Des employés plus concernés dans une organisation qui fonctionne de façon plus fluide pour mieux servir ses clients et générer plus de revenus : the end in mind de tout projet 2.0.
Merci de cette remise en perspective, mais il n’en reste pas moins que
– les expériences ne sont pas légion,
– la participation et la collaboration universelle tiennent plus souvent du voeu pieu (angélisme) que de la volonté ou de la capacité des acteurs,
– l’absence d’apprentissage des technologies qui supportent ce modèle nuit gravement à leur réel déploiement de même que la méfiance des DSI et des équipes en charge de la production informatique
– la vitesse d’apparition des nouveaux supports, notamment mobiles, ne nous laissent aucun répit,
– l’entreprise ne retiendra que ce qu’elle estime rentable à court ou moyen terme (qui a les moyens d’une vision à long terme ? et je ne parle pas de moyens financiers!).
L’entreprise 2.0 c’est avant tout un modèle d’entreprise qui va évoluer en se confrontant aux réalités de terrain, laissons l’utopie aux nombreux gourous et autres ninjas!
Les directions et les gourous n’ont pas le choix de dire que ce sont des réussites vous imaginez s’ils disaient l’inverse(Titanic mode). Mais qu’elles sont les résultats et qu’en pensent les salariés…réellement?
merci Claude pour ce commentaire,
Le point sur lequel je souhaite insister : si vous identifiez cet aspect comme de l’angélisme c’est en grande partie due à notre conditionnement culturel hexagonal. Exemple : au Danemark, 95% des employés sont satisfaits de leur emploi. S’agit-il d’un pays de Bisounours ?
Je pose la question dans l’autre sens : ce cynisme résigné qui se présente comme du réalisme et identifie la perversion induite par les hiérarchies et les conflits politiques induits etc … comme normales au sein des entreprises l’est-elle vraiment ? Je n’en suis pas sur.
L’apprentissage est un élément clef à l’adoption. Je vous renvoie à l’exemple de Lippi. Imaginer que ‘on va mettre en place de nouveaux outils sans former les personnes ni (et surtout) leur signifier clairement quel est le but recherché) est une erreur grave de stratégie.
Je n’ai aucune crainte quant au DSI. Leur conservatisme est notre meilleur allié. Lorsque ces systèmes commenceront à être intégrés au sein des DSI voisines ils suivront le mouvement. Ce que me disais un ami CTO : “Nous préférons avoir tort avec tout le monde que raison tout seul”. J’ai vu l’adoption massive d’aberrations technologiques telles que les EJBs au début des années 2000 malgré un taux d’échec de ces projets d’intégration de 70%.
“L’apprentissage”… nécessaire oui mais très très loin d’être suffisant. Tout comme les nouveaux outils. Il faut mieux commencer à changer la culture avant d’intégrer les outils (qui ne sont que support). Sans la culture le 2.0 n’est rien. Et ce n’est ni les formations, ni les outils qui change les cultures. Ce sont les comportements…
Et en lisant les commentaires de votre exemple je ne peux que m’interroger sur la success story réelle. Tout comme celle de FAVI (voir les vidéos et articles)f.e. http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Une-vie-a-la-FAVI-en-52-minutes/Le-syndicalisme-sujet-tabou
Bonjour Axyome,
Merci pour ce commentaire. Mettre en place la culture 2.0 : que proposez vous ? Je n’ai pas d’exemple d’entreprise qui décide de changer radicalement leur culture. En revanche j’ai des exemples de leaders qui décident de changer les principes de fonctionnement ce qui indirectement change la culture.
Je pense plutôt l’inverse : mettre en place les outils permet de faire advenir une culture des usages puis une culture 2.0.
Je trouve remarquable l’approche consistant à demander qu’en pense les employés. La preuve que l’on fait enfin du social software !
En effet, quand des directions épaulées par des consultants imposaient brutalement un CRM ou un ERP et les process qui vont avec aux employés dans un pur mode top-down on ne se posaient pas cette question.
J’ai vu des utilisatrices pleurer en cachette tellement l’ERP Oracle qu’elles utilisaient à longueur de journée étaient épouvantable en terme d’utilisation et ridicule en terme de processus.
Bertrand Duperrin le dit très bien : on ne peut pas imposer le bonheur professionnel aux gens contre leur gré. Mais qu’a-t-on fait d’autre durant ces 15 dernières en mettant en place tous ces systèmes (PLM, ERP, CRM SCM, KM etc … ) ?
L’immense et indiscutable avantage de ces outils numériques 2.0 émergents par rapport aux outils historiques : ils ont été massivement adopté par les utilisateurs pour des réalisations concrètes sur internet.
Pour ce qui est des commentaires sur l’article de Lippi, on sent l’amertume d’anciens managers. C’est sûr que si on demande aux seuls managers, il ne vont pas trop être d’accord : l’entreprise 2.0 leur supprime des privilèges (contrôle de l’information etc …) ils vont avoir du mal à être pour.
Pour conclure ma perspective est celle d’un informaticien. Même si nous sommes près de 400,000 en France je ne sais pas si ces considérations peuvent être étendues à tous les travailleurs de la connaissance. Reste que c’est ce que nous sommes et comme disait Richard Collin lors de la conférence Entreprise 2.0 Forum à Paris en Mars, nous sommes aux avant-postes.
Merci pour ce billet Cécil.
Sans être un bisounours, je suis globalement de ton côté. Il y a cependant quelques aspects qui me chagrinent dans tout ce que je viens de lire.
D’une part, l’idée que la mise en place d’outils facilitera le changement de culture. Je crains que le lien ne soit pas aussi évident que cela (à témoin l’exemple de FAVI que j’aime à citer) et que l’approche “mettons des outils en place et intégrons-les dans le quotidien de l’entreprise” ne change RIEN en ce domaine. Je rejoins en ce sens Axyome De quoi les entreprises sont-elles malades ? D’une division du travail qui, sous prétexte de rationalisation (processus, processus…) et de réduction des risques, fragmente le savoir et sa diffusion, sclérose la réactivité et paralyse l’initiative. Le fait de parier sur les outils est un discours biaisé par la volonté des éditeurs de développer rapidement de nouveaux marchés, parce que la technologie évolue très rapidement. L’apprentissage des technologies est davantage un frein (cela prend du temps, c’est un surcroît de travail, etc…) qu’une facilitation aux changements organisationnels qu’il faut mettre en place.
Bien sûr, ce discours peut-être rassurant, parce qu’extrêmement pragmatique, et facile à formaliser. Mais je pense que c’est dans les rangs des “technophiles” qu’il faut en fait chercher les vrais bisounours.
D’autre part, une grande partie de la discussion semble se jouer autour des chiffres: crédibles ou non, vérifiables ou non, reliés – ou non- aux véritables usages. Le malheur étant que leur interprétation elle-même est essentiellement culturelle… Ceux qui nous sont donnés proviennent pour l’essentiel des éditeurs, ou d’analystes, dont le prisme d’analyse est bien souvent très orienté vers la technologie.
Ou alors, nous manquons souvent du contexte nécessaire à une interprétation objective. A témoin, celui que tu cites sur le Danemark. Je me souviens d’une très intéressante enquête du monde il y a plus d’un an, qui expliquait que les chiffres indiquant que le Danemark était l’un des pays où il faisait le meilleur vivre étaient essentiellement le fruit de la culture particulière du pays: critiquer ses conditions de vie ne se fait pas, chacun se sentant lié par le regard que ses voisins et collègues portent sur lui. Les 95% sont aussi culturels que notre vision hexagonale l’est…
Cordialement,
Thierry
Bonjour Thierry,
Merci pour ce commentaire détaillé.
le cas du Danemark est intéressant. Incidemment il s’agit aussi d’un des pays où :
– les gens se font le plus confiance (cf etude de Yann Algan) dans laquelle Algan montre la correlation étroite entre la confiance et le sentiment de bien-être
– un des pays qui figure dans les 3 pays les moins corrompus dans le classement transparency international
du coup je réfute ton argument du fait qu’il s’agisse d’un élément essentiellement culturel. le civisme et la confiance sont des éléments essentiels dans le bien être des habitants.
nous sommes si bas dans notre relation au travail que n’importe quel vision neutre ou pire, optimiste, passe pour de l’angélisme. Je te renvoie pour cela à la conférence à laquelle j’ai participé à l’institut de journalisme de Bordeaux.
Le changement de culture ne passera que par un leadership fort (top-down) et par des initiatives bottom-up. Car c’est le seul moyen d’encercler le conservatisme de l’organisation. Et les outils peuvent à mon sens incarner le rôles d’initiatives bottom up.
Thierry je suis entièrement d’accord avec votre vision plus réaliste des choses.
Cecil, il faut sortir des discours, des conférences, des exemples de réussite (pas toutes réelles ou pas au niveau qu’on veut bien nous le dire)… et voir ce qu’il se passe dans la vraie vie.
Je suis vraiment convaincu que ce modèle d’entreprise est l’avenir et ceux qui me suivent le savent, mais pas fait n’importe comment et dans n’importe quel sens. Encore faut-il savoir écouter … je n’ai rien à vendre je retransmets juste une expérience vécu de l’intérieur à qui veut l’entendre. On ne change pas de culture avec des outils. Il faut accompagner ce changement, expliquer comment cela va être mis en place, quelles seront les implications et les rôles de chacun, quelles seront les objectifs, quelles sont les moyens mise à disposition, quelle sera la nouvelle hiérarchie, quel sera le rôle des managers, quelle sera la nouvelle stratification, quelles seront les règles de communication interne externe, expliquer la collaboration transversale…
Sur ce, la discutions reste intéressante et j’en suis ravi
Axyome, merci pour ta contribution et pour le temps que tu passes sur #hypertextual. Discussion passionnante indeed.
C’est juste que je suis un peu vexé pour le coup 😉
Je travaille depuis +20ans, j’ai travaillé dans plusieurs pays d’europe en tant qu’employé ou indépendant dans différents types d’entreprise (public, privé, multinationale, start-up) etc … Du coup, j’ai la faiblesse de croire que je connais 2,3 trucs sur la “vraie vie” professionnelle.
Reste à définir ce qu’on entend par “vraie vie”. Est-ce cet endroit déprimant tel que le décrit 37signals ?
Est-ce le contexte spécifique de l’entreprise française qui nous fait voir les choses de manière particulièrement anxiogène ?
Est-ce le contexte Scandinave civique et confiant ou les employés sont plutôt contents ?
Est-ce le monde open-source où les contributions volontaires distribuées et non hiérarchisées permettent de réaliser des logiciels / solutions de haute qualité ?
Ma réponse dans cet article est de dire que ce que nous.fr identifions à “la vraie vie” relève de la seconde hypothèse (vision anxiogène). Et cette perspective nous est infligée par notre culture, culture entendue en tant que vecteur de conditionnement de nos comportements dans un contexte donné : ici professionnel.
La conséquence est ce que nous identifions à de l’utopie depuis cette perspective, cela peut-être identifié dans d’autres cultures comme un projet pragmatique et évident. C’est le point essentiel de ce billet.
Dans un monde globalisé où les informations se tweetent à grande vitesse, la pertinence de cette vision culturelle va être de plus en plus malmenée.
Ma conviction est que si ces outils résolvent un problème clair des organisations et qu’ils sont simples et faciles pour les utilisateurs alors ils seront utilisés.
Nous avons mis en oeuvre une solution Sharepoint chez nous et ce que j’observe c’est que petit à petit les personnes postent des wiki plutôt que des documents pour la doc interne et des documents partagés plutot qu’echangés par mail pour la doc externe. Ils utilisent les announcements plutot que les mails parce qu’ainsi les informations sont recherchables d’un seul point : la recherche Sharepoint.
Par ailleurs, pour ce qui est de la culture sous-jacente j’ai pas mal écrit sur le sujet. Je me suis même élevé contre Elsua en insistant sur le fait que la seule mise en oeuvre des réseaux sociaux d’entreprise n’était pas implémenter l’entreprise 2.0. La dimension culturelle est évidemment primordiale.
Loin de moi l’idée de vouloir vous vexer ou quoi que ce soit de ce genre et je ne remets pas en cause vos connaissances. Je veux juste apporter ma vision (vécu) souvent malmener et incomprise. Je pense que sur le fond nous sommes d’accord. Je ne vais pas monopoliser les commentaires de votre billet pour parler des détails de la mise en place de l’E2.0. je vous invite juste à relire mon blog pour comprendre les erreurs qui ont pu être faites chez nous.
Au plaisir d’en reparler peut-être un peu plus en privé si vous le souhaitez ;D
Excellent soirée
Axyome merci encore pour votre contribution.
Nous continuerons cette discussion sur votre blog ou ici avec plaisir …
Bonjour Cecil,
Merci pour ce billet. Quelques pensées en vrac et en vitesse avant de prendre mon vol de retour…j’essaierai de faire quelque chose de plus construit rapidement si les intempéries me laissent me poser à Paris..
• La vérité est entre les deux, comme tu le dit très bien. Par contre il y a une chose qu’on peut imposer au collaborateur : suivre des règles de travail. Et une chose qu’on ne peut pas : se libérer, s’ouvrir, se lacher, “working out loud” comme le disent nos confrères d’outre atlantique.
• Donc il y doit y avoir un minimum qui correspond au plus petit dénominateur commun : faire son job. Pas besoin de perdre son temps pour le reste : il faut que les choses soient possibles, c’est tout. Et en travaillant autrement sur des périmètres moins ambitieux peut être qu’à force la culture va glisser et qu’ils vont se découvrir peu à peu. Mais c’est le collaborateur qui a la clé.
• L’engagement, parlons en. J’ai un truc en préparation sur le sujet mais il faut éviter de confondre le concept et son expression. On peut être engagé et taciturne, timide, réservé. On peut être dévoué corps et âmes à son boulot mais garder une certaine distance. C’est incroyable le nombre de gens qui sont dévoués, impliqués, toujours prêts à aider mais le font avec une telle discrétion que cela ne se voit pas. Le problème c’est que la vision “2.0” de l’engagement à l’air de supposer une certaine démonstrativité qui n’est pas du gout de tous.
• Engagement toujours : On n’engagera pas les salariés avec un RSE mais le RSE peut être le bras armé d’une politique RH volontariste. “On sous paie, on ne donne aucune perspective de carrière, votre temps nous appartient, vous nous appartenez, soyez heureux d’avoir un boulot…et n’en demandez pas plus….mais allez vous éclater sur l’intranet, networkez et vous verrez y’a des GO…heu community managers qui sont super sympas”. Pas crédible. Il y un réseau social chez Semco ? Ca n’empêche pas Semler d’avoir construit une entreprise très engageante.
• Quant aux résultats chiffrés il y en a. De l’aléatoire en mode “full communautaire et sérendipitique” mais par définition non reproductible. Du systémique là où la chose a été systématisée (CISCO…). Et du rien du tout là où ou voulait le beurre, l’argent du beurre mais sans se mouiller les main.
• Quant à la remarque d’Axyome sur le “ils ne peuvent pas dire que ça ne marche pas” elle est tout à fait juste. Ou plutôt, ceux qui ont échoué ne vont pas le crier sur les toits (le problème est qu’ils abandonnent souvent au lieu d’apprendre de leur leur échec), et ceux qui sont “en cours” ne vont pas tuer la dynamique en s’interrogeant.
• Ce qui nous amène à la mesure : “on voit que”, “tant d’entreprises disent que”…on sait bien qu’on peut être de toute bonne foi mais avoir une vision un peu biaisée par le contexte. L’intuition et le ressenti sont essentiels pour savoir où aller, où chercher les bénéfices…mais il faut quantifier très vite.
Bonjour Bertrand,
Merci pour ce commentaire.
– Suivre des règles. OK mais par qui/comment sont elles déterminées ? Par la direction suivant un process top down où sont-elles proposées par les travailleurs en fonction des bonnes pratiques qu’ils remontent ?
– engagement ne veut pas dire exubérance. si le manager ne sait pas faire la différence et évaluer la contribution de ces collaborateurs alors c’est qu’il n’est pas à son poste
– l’engagement des salariés s’obtient avec plusieurs choses : l’égalité intrinsèque et la responsabilisation / l’autonomie. On retrouve aussi ces valeurs chez Dan Pink qui rajoute la maitrise (ou le self agency chez Matthew Crawford) et le purpose ou le but comme chez Goldratt. Non, en effet ce ne sont pas les outils qui peuvent la faire advenir mais ils peuvent y contribuer – complètement d’accord. Je suis en revanche circonspect sur l’approche d’Axyome disant il faut mettre en place une culture 2.0 tout d’abord.
– Ils ne peuvent pas dire que ca ne marche pas. On revient à la question Bourdieusienne du “d’où tu parles” que Scott Berkun addresse dans son Calling BS at Social Media. Ca tombe bien : perso je ne suis pas consultant mais activiste amateur.
– Pour le suivi des résultats chiffrés je suis d’accord avec toi reste qu’il y en a des disponibles ainsi que des success stories et qu’on a le droit de s’en servir. Mon principe est que si quelqu’un réussit à mettre en oeuvre des méthodes/outils/décisions innovantes, il n’y a aucune raison que d’autres n’y parviennent pas. Il suffit simplement de se donner les moyens de la réussite, de gérer précautionneusement les risques et d’y aller.
Les entreprises ont plutôt intérêt à rester actives dans ce genre de processus (qui, encore une fois, ont fait leurs preuves) plutôt qu’observatrices et accumuler du retard sur leurs concurrents – le syndrôme évoqué par Clayton Christensen.
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle historique à partir du mot Révolution. Ce mot véhicule souvent une nouvelle vision du Monde, de l’Homme et du Progrès mais surtout en filigrane des logiques de redistribution de pouvoir (pour exemple la Révolution Industrielle, et l’écartement de l’aristocratie terrienne par la bourgeoisie urbaine et industrielle).
Idem en entreprise. L’entreprise 2.0 comme toute évolution/révolution porte en soi ses gagnants et ses perdants: les consultants, managers et dirigeants qui gagneront en pouvoir (ceux qui s’adapteront au nouveau paradigme pouvoir=influence), et ceux qui en perdront (ceux qui ne se maintiennent que dans un schéma pouvoir=contrôle). On peut mieux comprendre dans ce cadre l’angélisme des uns tout comme la réaction des autres, et les blocages qui naissent souvent de l’opposition de ces deux forces au coeur des projets 2.0
Bonjour Damien et merci pour votre commentaire.
Cela me semble très pertinent même si je ne suis personnellement pas très à l’aise avec cette notion de pouvoir et tous les jeux politiques qu’elle sous-tend.
Cela rejoint tout à fait la notion de sociométrie décrite par Alexander Bard dans les Netocrates.
Les Netocrates, n’est-ce pas également un peu d’angélisme ?
Ce qui est probable, c’est qu’au-delà des querelles de pouvoir, de représentativité, de mérite, de maîtrise technologique et/ou fonctionnelle, l’Entreprise doit évoluer pour survivre et elle trouvera, selon son modèle et ses objectifs, le chemin le mieux approprié ou bien elle cessera d’exister en tant que tel.
L’entreprise 2.0 c’est la tentation d’un modèle artisanal (partage, apprentissage, discussions) appliqué à des organisations qui n’ont que rarement fait en interne la promotion de ces comportements (valeurs).
On sait tous que les majors gérées selon les modèles de productivité en vogue à Yale ou ailleurs dans les années 60 et suivantes sont pour la plupart un assemblage de plus petites entreprises qui ont eu, pour certaines, une “culture propre”.
Ces petites entreprises sont un terrain particulièrement favorable au modèle 2.0 et gageons que cette “évolution” soit porteuse de changements (pas forcément de bouleversements) sur le fonds.
L’entreprise 2.0 ce serait plutôt la tentation du mieux et je ne pense pas que ce ne soit qu’une utopie.
Angélisme dans les Netocrates. Hmm .. nous n’avons pas dû lire le même livre. Je le trouve certainement futuriste mais plutôt glaçant et sans la moindre complaisance.
C’est certain que l’approche 2.0 convient mieux aux petites structures mais il y a tout de même quelques très grosses entreprises dont la culture a été complètement chamboulée sous la direction d’un leader : Cisco avec John Chambers, HCL avec Vineet Nayar, Sungard avec Cristobal Conde (de vraies entreprises 2.0 avec les outils etc …) ou avec Richard Semler avec Semco.