USI 2014 : Entretien avec Guillaume Plouin

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Alors qu’approche la nouvelle édition de l’USI (les 16 et 17 Juin à Paris ) #hypertextual a rencontré cette année encore un des membres d’Octo les plus actifs dans la préparation de cet évènement. Après François Hisquin (2012) et Ludovic Cinquin (2013), Guillaume Plouin cette année.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore cet évènement organisé par Octo Technology, l’USI est la conférence autour du numérique que l’on peut qualifier sans aucun doute de plus passionnante de l’hexagone, voire d’Europe. Les disciplines présentes sont variées (technologie mais aussi prospective, sciences dures ou sciences humaines, management, leadership, ou philosophie) et les intervenants sont prestigieux : Ray Kurzweil, Michel Serres, André Comte-Sponville, Chris Anderson, Leo Apothecker, Bjarne Stroustrup, Neil Armstrong ou Philippe Starck. Et la liste va s’allonger cette année encore avec des personnalités telles qu’Edgar Morin, Patrick Dixon, Isaac Getz, Nancy Duarte, ou encore mon collègue d’Operae l’excellent Antoine Contal …

L’occasion au travers de cette rencontre de se pencher de plus près sur les grands moments qui ont marqué l’USI et s’attarder sur la mécanique interne de l’organisation d’une conférence qui célèbre sa septième édition cette année…

Octo, expert, auteur, blogger, …

J’ai rencontré Guillaume lors de ses fameuses sessions de Perfection Game qui ont lieu avant l’USI. Un peu comme pour les Braintrust à l’œuvre chez Pixar, il s’agit d’une sorte de revue bienveillante où l’assistance n’a le droit d’émettre que des propositions d’améliorations. Ma session sur les obstacles culturels à l’adoption des logiciels sociaux dans l’entreprise française ayant été pré-sélectionnée, je suis allé la présenter devant eux pour répondre aux questions et intégrer leurs suggestions. Aux côtés de Ludovic Cinquin et autres Octos impliqués dans l’organisation de l’évènement, le flegme, la curiosité et la sagesse de Guillaume m’ont mis en confiance lors de cette session un peu intimidante.

Nous sommes restés en relation depuis et c’est un grand plaisir de publier un entretien avec cet acteur passionné de la communauté des systèmes d’information francophone. Auteur ou co-auteur de nombreux ouvrages sur l’architecture IT et le cloud, blogger, passionné d’écologie et, pour ce qui nous concerne ici, membre actif de l’organisation de l’USI, Guillaume est une personne avec laquelle on parlerait des heures sans voir le temps passer. Nous nous sommes retrouvés dans un restaurant Thaï de Bastille et ses paroles avaient un goût de curry au lait de coco …

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#hypertextual : Dans quelles circonstances as-tu rejoint Octo ?

Guillaume : J’ai été contacté pour rejoindre Octo au printemps 2009 car je venais de sortir mon livre sur le cloud. J’écrivais un peu, j’avais déjà publié 4 ou 5 livres et il y avait mon blog (Tendances IT) que j’animais alors pour SQLI. Ces nombreuses publications et mon intérêt pour le sujet du cloud, alors tout nouveau, me donnait j’imagine un caractère atypique ce qui a donc plu à Octo.

J’ai rencontré les gens d’Octo (François Hisquin, Pierre Pezziardi) qui m’ont invité à l’USI en 2009. Cela a été un élément très important dans ma prise de décision pour rejoindre cette entreprise. On peut voir l’audace de François Hisquin dans le casting pour la première édition de 2008 : Goldratt, Serres (dont la keynote a été chroniquée par #hypertextual NDLR) : c’est un casting tout simplement incroyable pour une conférence française sur les systèmes d’information.

(Luc de Brabandère – cliquer l’image pour la présentation à l’USI en 2009)

 En 2009 j’ai aussi vu Luc de Brabendere que j’ai trouvé grandiose, Tristan Nitot (de Mozilla) qui m’avait aussi marqué. Cette première session m’a fait venir à octo. Pour l’USI 2010 j’ai donc demandé à participer à l’organisation.

Comment s’est passé ton implication dans l’organisation ?

En 2010 j’étais un peu le disciple, le Padawan, à regarder comment cela se passait. J’étais vraiment impressionné par le culot de l’équipe (à ce sujet lire le très beau texte de Hisquin dans Partageons ce qui nous départage : le Non est toujours Acquis NDLR) : on contactait et rencontrait des gens que j’admirais tel que Bernard Stiegler (dont j’ai essayé de livre un lire – rires). J’ai commencé à y travailler avec Pierre Pezziardi. En 2010 j’ai aussi fait une session sur le cloud, mon sujet de prédilection. 2014 est la première année où je ne vais pas présenter de sujet.

Je participe aussi aux Perfection Games durant lesquelles les speakers sont invités à venir faire leur session à blanc avec 5 ou 6 personnes qui proposent des améliorations. Il y a aussi la construction du programme. Tout cela me prend du temps. Mais l’évènement est tellement passionnant et on y fait des rencontres si intéressantes… En 2010 il y a eu Stiegler mais aussi Daniel Kaplan ou Didier Girard.

Toutes ces session de Perfection Games se déroulent en Mai et nous prennent 4 après midi. Il m’arrive aussi de recruter des speakers VIP, des speakers qu’on admire et qu’on essaye de faire venir. Enfin, je participe aussi à l’analyse des Calls for Paper.

C’est grâce à Didier Girard que j’ai découvert l’USI : il en avait fait la promotion sur son blog application-servers.com. Je me rappelle de sa session de 2008 sur ROA (Resource Oriented Architecture) très alignée avec celle de Martin Fowler et Jim Webb durant laquelle il avait passablement agacé des architectes de l’assistance qui se débattaient avec leur archi SOA depuis un an ou deux et se rendaient compte que ce paradigme était dépassé. C’était super ! Parle-nous un peu des concours que tu as initiés.

Oui, on a essayé de mettre en place des concours technologiques. C’est moi qui ai en effet lancé cela avec un succès plus ou moins discutable (rires). Le premier concours consistait à faire écrire le code le plus écolo possible, en limitant au maximum l’utilisation CPU. Cela a semé une graine de programmation écolo avec une communauté (Green Code Lab), un livre (Green Patterns). Ces concours ont commencé dès Janvier avec candidature, plusieurs étapes à franchir etc …. C’était beaucoup de boulot.

On avait développé une appli qui comptait le temps CPU utilisé par le navigateur dans l’idée de calculer le coût énergétique de l’accès à une page web (Greenfox un plug-in Firefox). Je ne sais pas trop ce que c’est devenu. J’avais embarqué 5 personnes de chez Octo pour bosser sur le truc. J’avais aussi créé une page Wikipedia pour parler des Green Patterns, page qui a été brutalement effacée par un administrateur, car sur cette encyclopédie en ligne on n’accepte pas de parler de nouveaux concepts qui ne sont pas encore entrés dans les mœurs.

Le concours a aussi eu lieu l’année d’après avec pour objet de développer une appli qui supporte 1milliard d’utilisateurs dont 1 millions en simultanés. On a fait les spécifications et on a ensuite fait les tests de charge. VMWare et Steria avaient accepté de mettre à notre disposition un outil pour ces tests avec une vingtaine de VMs. Cela a représenté beaucoup de travail sur 6 mois et du coup on a décidé d’arrêter ces concours de programmation. C’était fun mais lourd à gérer.

Il y a un élément singulier avec l’USI, élément qui caractérise cette conférence, qui lui donne à la fois cette profondeur et cette largeur de scope, élément qui en fait une authentique bulle d’oxygène dans notre industrie : le fait que des intervenants viennent d’horizons divers, parfois peu ou pas liés avec l’IT ou le management. Je dirais qu’il s’agit là de l’élément différentiateur, qui caractérise cette conférence et la rend plus intéressante que des rencontres Agiles par exemple (dont ce blog est par ailleurs friand). Comment vous est venue cette idée et comment parvenez-vous à maintenir une cohérence éditoriale malgré ces différentes disciplines et expertises représentées ?

C’est un travail de groupe, auxquels participent nos différents experts en architecture, agilité, etc. Le travail d’équilibrage est fait par F Hisquin qui voit énormément de conférences (dont TED).

Un autre élément caractéristique est le ton particulièrement irrévérencieux des Octos. On a du mal à imaginer que les DSIs du CAC 40 qui sont dans l’assistance ne tiquent pas lorsqu’ils entendent un certain nombre de choses (exemple de Didier Girard décrit précédemment ou la présentation de David Allia en 2012 sur plaisir et productivité). N’y a-t-il pas là aussi une part de risque de froisser des clients actuels ou potentiels. Comment le gérez vous ?

Ce côté irrévérencieux est assumé et correspond à notre vision “there is a better way”. Pour s’améliorer, il faut accepter les remises en questions, il faut être capable de sortir du cadre (cf. Brabandère). Certaines entreprises n’aiment pas ça et ne travaillent pas avec nous.

Vous avez aussi décidé de diffuser en direct les sessions sur le web. Il s’agit là d’une décision très courageuse. N’avez-vous pas craint d’y perdre de l’audience sur site ?

 Nous avons la conviction que le live web ne remplace pas le fait d’être sur place, pour vivre l’évènement, rencontrer les gens. Et le “sold out” qui arrive de plus en plus tôt nous le confirme.

 Dans la très riche histoire de l’USI, quelles sont les sessions qui t’ont le plus marquées ?

Brabandere en 2009, Michel Serres en 2008 (que je n’ai pas vu sur le coup mais après en vidéo). En 2010 Michael Ballé m’a beaucoup marqué d’autant que cela coïncidait avec mon intérêt croissant pour le sujet du Lean. Chris Anderson, Bernard Stiegler, sont aussi de très beaux souvenirs. Et moi j’avais eu la chance de faire une conférence dans la grande salle, toujours sur le sujet du cloud. Marc Surman de Netscape m’avait aussi beaucoup marqué.

En 2011 j’étais un plus actif dans le programme et j’ai quelques fiertés. J’ai recruté Wolfgang Von Rüden du CERN qui avait fait la keynote de clôture du 1er jour et que les gens avaient beaucoup apprécié. Et bien sûr Rafi Haladjian, le créateur du Nabaztag et qui aujourd’hui a fait la boite sen.se. J’avais aussi recruté Lionel Naccache le neurologue pour cette édition. 2011 a probablement été l’année ou j’ai été le plus impliqué dans cette préparation. Comte-Sponville était aussi pas mal …

Rafi Haladjian

Pas mal ?! Seulement ? J’avais beaucoup aimé Comte-Sponville en 2011 et 2012 avec deux sessions de profondes réflexions philosophiques sur le management.

Oui peut-être. Je suis plus partagé sur Sinek qui est un vrai showman. Mais il est à mon sens bien plus business-man qu’un penseur ou un visionnaire. Quand je vois qu’il vend des pinces à cravate Start with Why je me questionne un peu sur ces professionnels de la conférence avec des prix de plus en plus élevés.

En 2012 je n’ai pas vu ta session, j’étais chairman dans la salle d’à côté avec Bob Dorf (session que j’ai adorée). On a aussi organisé une open stage avec une thématique sur l’internet des objets, durant lesquelles les gens faisaient des lightning talks (présentations de 7 mns). Il y avait aussi Michael B Johnson de Pixar cette année-là. L’intervention de Starck a reçu pas mal de mauvaises critiques, en partie injustes selon moi : c’est vrai qu’il a eu une attitude assez indolente mais il a apporté un éclairage singulier. La session de Jesse-James Garrett, le maitre de la User eXperience (UX) a aussi été un grand moment.

Tu n’as pas aimé Kathryn Schulz en 2012 ? Yves Morieux ?

Je la trouvais super bien en vidéo sur 20 mns et j’ai trouvé sa présentation de 40 mns un peu trop diluée. On travaille beaucoup en préparation, on regarde des dizaines de conférences et du coup c’est vrai qu’on a un niveau d’attente assez élevé. Oui Yves Morieux était très bien. As-tu lu son livre ? J’avais bien aimé Thomas Bern aussi. J’ai loupé Esther Derby, je regrette un peu, c’était bien ?

J’avais trouvé la présentation de Morieux très impressionnante. J’ai pas lu l’ouvrage mais son long article paru sur le site du BCG et sur HBR. Je partage complètement le constat («Dealing with complexity using complicatedness ») mais je suis moins emballé par ses 6 propositions (sauf peut-être l’ombre du futur). Des gens qui l’avaient vu en 2010 ont trouvé que sa session de 2012 n’apportait que peu de points supplémentaires (Nicolas Martignolle en particulier). Esther Derby est passée cette année-là juste avant moi. Très douce, pédagogue, pétrie de bienveillance. J’ai pas mal échangé avec elle après nos sessions, elle est adorable. J’étais très impressionné avant de monter sur scène et avais en effet préféré rester dans la salle, échanger avec les techniciens etc … pour me mettre dans les meilleures conditions. Du coup j’ai loupé Bob Dorf …

Il y a quand même un truc un peu frustrant. Comme je suis chairman, je ne peux pas aller voir qui je veux, je suis obligé de rester sur certain tracks … Du coup j’étais dans la salle de Bob Dorf et j’ai loupé la tienne …

Et 2013 ?

Vin Cerf qui est une figure importante : il bosse chez Google c’est un des inventeurs d’internet quand même. Marc Giget a été brillant. Il est président du club des directeurs de l’innovation, une association européenne je crois. Sa présentation était vraiment marquante. Il a beaucoup parlé de la destruction créatrice de Schumpeter, un sujet éminemment actuel j’ai adoré. Il y avait aussi une présentation du Google Art Projeçt, cela m’avait bien plus car je m’intéresse pas mal à l’art, les expos, tout ça …

Scott Berkun – Picture by James Duncan Davidson

Et pour cette année, quelles sont les interventions que tu attends avec la plus grande impatience ?

Edgar Morin, j’ai vraiment hâte de voir cela. Il y aussi le retour de Luc de la Brabandère, Nancy Duarte l’auteure de Slide:ology, et Scott Berkun que quelqu’un que je connais nous a chaudement recommandé (rires) …

Enfin ! Sa première venue en France à ma connaissance … Quelle joie, je suis un fan du bonhomme qui est une des inspirations essentielles de ce blog. J’ai échangé par mail avec lui après l’avoir su et je vais enfin la rencontré IRL. Je suis ravi. Merci l’USI !

Il y aura aussi Patrick Dixon qui fait de la prospective par secteurs d’activités. Un gars assez brillant. Il y aura aussi Emmanuel de Maistre et Benjamin Hugonet, des gens qui opèrent une compagnie européenne de drones civils, c’est très intéressant. Bref une édition encore très prometteuse …

En effet. Merci pour tout cela Guillaume. Rendez-vous à l’USI le mois prochain !

5 Comments

  1. ça faisait longtemps que je n’avais pas pris le tmeps de lire ton blog…Merci encore pour un excellent article, les ressources données…c’est rafraichissant..A bientot, en suisse?

  2. Salut Diane,

    Merci pour ce gentil mot. J’espère que tout se passe bien pour toi dans ta nouvelle vie en Suisse.

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